LES PHOTOGRAPHES A MARSEILLE

Mon premier contact avec la photographie remonte à ma petite enfance, chez mes grands-parents où mon oncle projetait ses diapositives de voyage sur un drap blanc au mur. Les repas se concluaient par un étalage de vieilles photos sorties d’une sacoche en cuir sans âge que ma grand-mère conservait comme un trésor dans la « chambre bleue ». Je crois que là, c’est forgé mon intérêt pour ce média.

C’est étudiant et autodidacte que j’ai commencé à photographier, aidé d’un vieux boitier argentique que mes premiers jobs d’étudiant m’ont permis d’acquérir. Mais c’est vingt ans plus tard, à Marseille, que j’ai véritablement entrepris un travail d’auteur, stimulé par l’effervescence de l’endroit et l’influence de mes lectures.

Aimant varier (ou n’arrivant peut-être pas à me fixer) j’adapte chaque sujet traité à un procédé différent mais qui reste toujours analogique et prône la lenteur, l’incertitude et le travail sur la matière.

Mon travail photographique oscille entre documentaire et démarche plus personnelle, et se nourrit de mon environnement proche.

Né à Alger en 1947, Jacques Filiu arrive à Marseille en 1961. Sa pratique photographique est d’abord amateure, jusqu’à devenir son activité quotidienne à l’âge de la retraite, avec une passion qui ne le lâche plus. En 2013, il est révélé lors du festival PhotoMed de Sanary-sur-Mer, puis exposé au Liban. Son travail sur Marseille, qui ne cesse de s’enrichir, fait alors l’objet de publications remarquées dans la presse spécialisée et d’articles signés par de grands noms du monde de la photographie. En 2013, il est le commissaire de l’exposition collective « Marseille en scènes, 29 regards, 29 histoires » dans le cadre de Marseille-Provence, capitale européenne de la culture. Les photographies publiées dans le livre Marseille précisément, éditions Le Bec en l’air, ont fait l’objet d’une acquisition par la BnF, département de la photographie contemporaine.

«Jacques Filiu est quelqu’un de précis. Ses photographies aussi. (…) Marseille : une ville de clichés. De lieux communs, tant galéjades que photos ! Un monsieur discret, pas du tout bruyant, erre tranquillement dans les rues – c’est Filiu -, comme si de rien n’était. Et pourtant, lui VOIT Marseille mieux que quiconque car, par rigueur et austérité, il a su ne tomber dans aucun panneau visuel. Rarement ai-je vu un tel vrai Marseille depuis les chefs-d’oeuvre de l’époque du pont transbordeur. (…) Pour moi ce sont de très grandes photographies de cette ville aux images préconçues. Il renverse la situation et nous montre là, enfin, ce qu’est vraiment devenue Marseille, précisément.» Bernard Plossu

Lionel Fourneaux est né à Suresnes le 1er mars 1954. C’est avec un Instamatic Kodak offert par son père qu’il fait tout jeune ses débuts en photographie en assumant la mémoire visuelle de la vie de sa famille (une matière/manière qui sera la sienne par la suite). Après ses études de lettres à la Sorbonne à Paris, il commence à montrer ses premières recherches et obtient en 1979 le prix du jeune photographe aux Rencontres Internationales de la Photographie à Arles ainsi qu’une bourse de la Fondation Nationale de la Photographie à Lyon. Il participe ensuite à l’aventure de la page courrier du journal Libération et découvre le monde de la scène et ses acteurs en travaillant de 1982 à 1988 au Théâtre National de Chaillot, dirigé alors par Antoine Vitez. Les années 90 voient sa recherche subir une transformation profonde. Il délaisse assez brusquement les joies de la cueillette pour une pratique plus réflexive, plus grave. Il interroge la matière, le sens et l’usage des images à l’aide d’un dispositif de prise de vue à la verticale, voire sans appareil de prises de vue. Il met ainsi en espace des dispositifs photographiques faisant appel soit aux photographies prises depuis toujours, un véritable gisement pour une exploitation nouvelle, soit aux images et écrits des autres, du monde, une manière de mettre en regard passé et présent, intime et collectif, reproduction et intervention. Ayant réduit au minimum le geste proprement photographique, il manipule inlassablement les images d’images afin d’en creuser le sens et les expose à des traitements qui les altèrent et les métissent pour une lecture nouvelle et critique. Peau de chagrin, Libre de droits, Présomption d’innocence, ensembles d’images défocalisées sur la mémoire de la guerre et de l’origine ont été exposées à la Galerie Emmanuel Perrotin en 1994, au Centre d’Art Contemporain de Basse- Normandie en 1995 et à la galerie Le Réverbère en 1996. La pièce Bruit de fond (1998), hantée par la nécessité de la transmission des histoires, est montrée à la Galerie Le Réverbère en 1998, à Genève et Marseille en 1999… La pièce La mort dans l’âme où il consume le support photographique est exposée à Toulon en 2002, au Réverbère en 2006, à la galerie Baudelaire à Anvers en Belgique en 2009 et en 2017 à Arles sur les murs de l’hôtel particulier. Plus récemment et dans la foulée de l’avènement du numérique et des possibilités de la numérisation, Lionel Fourneaux magnifie dans la pièce Zapping le point de trame d’images collectives collectées dans la presse écrite, un travail exposé en 2008 à la galerie Vol de nuits à Marseille. Il associe dessins d’enfants et images personnelles dans la série Attractions montrée à la galerie le Réverbère en 2012, s’attarde sur la beauté écorchée des constructions en chantier dans le secteur du bâtiment qu’il photographie professionnellement avec la série Les attentes, A hauteur d’homme ou Partir du vide, interroge dans la pièce Lieux communs la vacuité des images des décors standardisés du monde tertiaire à l’aide de dialogues ironiques au style convenu. Avec la pièce Un, deux, trois, soleil ! il continue de creuser la piste de l’intime et tire les leçons de l’âge en mettant en page des photogrammes tirés des films VHS sur ses enfants, un travail exposé à la galerie le Réverbère dans l’exposition de groupe La double vie des images en 2015, puis à Grignan dans l’exposition Un temps dilaté. Lionel Fourneaux s’est aussi engagé pendant une douzaine d’années dans une action pédagogique et artistique en milieu scolaire et universitaire (plus de 25 ateliers en région PACA, Rhône-Alpes et Ile-de- France). Il a été ainsi invité à partager son expérience dans divers colloques sur la photographie, Arles, Dijon, Istres, Marseille, Valence… Ses photographies se trouvent dans de nombreuses collections publiques et privées et sont visibles sur le site du studio de création Hans Lucas qu’il rejoint en 2016.
A titre professionnel, il travaille pour des entreprises comme La Française des Jeux, Chronopost, ECA Group, SNI, Malakoff Médéric et depuis 2008 pour la direction du groupe SNEF (15 000 salariés) dont il est le photographe officiel.
Chris Garvi vit et travaille à Marseille. Parallèlement à ses débuts en photographie, il a suivi des études de littérature et de civilisation anglaise et américaine en France puis à l’étranger. Travaillant aussi bien en noir et blanc qu’en couleur, il continue de privilégier la photographie argentique pour tous ses projets personnels. il est un photographe autodidacte qui a fait son apprentissage au travers des livres photographiques. Ses premières influences sont les photographes américains de la FSA et l’école humaniste française. Il varie et change ses « outils » en fonction de ses projets et de ce qu’il cherche à raconter. Il refuse de figer sa photographie en une « technique » pour lui permettre de la faire évoluer en permanence. Ses travaux tant documentaires que fictionnels dénotent une attention particulière de l’auteur à leur aspect narratif. Ses travaux font l’objet de plusieurs expositions depuis 2000 et de plusieurs publications dans des magazines ainsi qu’une parution dans le catalogue des Biénales de la photographie d’Aubagne 2016 pour son travail « Marseille, colors I sing ». En 2016 il co-édite avec sa compagne Pauline Alioua leur premier ouvrage commun Plein Cœur. En 2018 parait Dans le Creux du Manque, un travail commun sur le Maroc publié par l’éditeur Arnaud Bizalion. « Je fais de la photographie depuis toujours, enfin, presque. Ma mémoire a toujours fonctionné par bribes ; je n’ai jamais su me souvenir des choses dans leur continuité. Même lorsque je n’ai pas l’oeil dans le viseur, je continue de photographier. Je suis toujours à la recherche de ma photographie, de mon regard : qu’y a-t-il dans cet espace qui me sépare de l’objet photographié : frontière, miroir, projection, chemin, passage, barrière, théâtre, réalité… »
Photographe membre du Studio Hans Lucas, je réalise des reportages principalement pour la presse quotidienne. Portraits, photographies de voyages ou de rues, j’étends mon spectre aussi loin que me portent mes pas, de la Laponie au coin de la rue, toujours l’oeil ouvert. J’ai grandi en montagne où j’ai appris à lire la poésie des grands espaces et c’est à travers la photographie et l’écriture que je me suis découvert. Depuis, j’ai arpenté la Louisiane, la Laponie, la Norvège, le Maroc, le Canada, la Suède, le Groenland toujours émerveillé par la nature sauvage et la place de l’homme dans son environnement. J’ai travaillé pendant 5 ans pour la presse quotidienne régionale, et je réalise aujourd’hui des travaux documentaires ou d’actualité et y associe souvent l’écriture. Je consacre aussi une partie de mon temps à l’organisation d’ateliers photographiques pour des publics défavorisés : centres sociaux, mineurs isolés, centres d’addictologie.

Né le 16 décembre 1971 en Avignon, je suis venu m’installer à Marseille pour étudier aux Beaux Arts de Luminy, j’ai complété ma formation par une année à l’école Polytechnique d’Art de Bristol en Angleterre. DNSEP communication en poche, j’étais tireur photo noir et blanc et j’ai poursuivi ma pratique photographique et exposé en 1999 dans le cadre de la biennale des jeunes créateurs à Rome, ainsi qu’au mois de l’image à Dieppe. Tout mon travail de cette époque a été perdu dans un vol. Durant deux ans, dans le cadre de mon service militaire civil dans une association d’insertion, j’ai été formateur en reportage, labo et multimedia auprès de jeunes en situation difficile ; l’un d’entre eux (Didier Della Magiorra) a d’ailleurs été lauréat de la bourse photographie de la Fondation Lagardère. J’ai ensuite débuté ma carrière de photographe, mon regard s’est porté sur la ville à travers le monde avec mon projet Paysages Urbains : «Une étude photographique sur le territoire des villes à travers le monde. Ces images proposaient une relecture de l’évolution contemporaine de nos cités et espaces publics. La ville, véritable réservoir de couleurs, où viennent se juxtaposer masses de béton, aplats de bitume, parois minérales et éléments végétaux, était appréhendée comme une scène en mutation. Il s’agissait de saisir le visage aléatoire de la ville, résultat d’innombrables années d’évolutions et de cohabitations.» En 2003, alors que je m’intéressais de plus en plus à la notion de document, le service du patrimoine du conseil général de la Drôme m’a passé une commande sur les premiers sites classés par Mérimée. J’ai porté le même type de regard sur l’abbaye de Fonfroide dans le cadre d’une commande suivie d’une édition. En 2005, lors d’un séjour au Vietnam, j’ai réalisé le portrait d’un pays communiste à l’heure de la globalisation. C’est une suite d’images de paysage où se mêlent tradition, histoire récente et consumérisme de masse ; influences mêlées le long des rizières du Nord. De mon rapport à l’espace, au document, au tableau photographique sont nées des séries photographiques autour de grands chantiers : dans le cadre de Marseille 2013, la renaissance du Château Borely et sa mutation en musée, plus récemment une mission photographique autour de la création de la nouvelle médiathèque de Pertuis, construite en partie sur le site d’une ancienne église. Menant en parallèle recherches personnelles et commandes professionnelles, cela m’a permis d’acquérir une maitrise technique de ces médiums. Depuis plus de 10 ans, je réalise des visuels pour les musées, éditeurs, collectionneurs d’art : plus de 6000 œuvres d’art photographiées à ce jour. Cette technicité me permet de mener à bien mon travail plastique actuel, ma dernière exposition en date intitulée «Manière Noire», est une approche sur la nature morte, une mise en abîme de l’évolution de la représentation.

Originaire de l’Italie centrale et né en 1977, il vit et travaille à Marseille. Auteur photographe italien diplômé en Histoire de l’Art à l’Université de Bologna (Italie) à Paris, a été formé aux techniques photographiques à l’Ecole de l’Image des Gobelins et il a également étudié l’écriture de scénario au Centre Européen de Formation à la Production de Films (CEFPF). En 2015 publie son premier ouvrage, NUNC STANS, aux Éditions André Frère. Ses travaux artistiques sont régulièrement présentés et publiés dans des expositions et ouvrages individuels ou collectifs.

A travers ces photographies, Andrea Graziosi nous invite à voyager dans un espace-temps indéfinissable, en découvrant de possibles liens qu’existent entre les éléments du cosmos, une tentative de percevoir une dimension parallèle parmi d’autres. Paysages hors du temps, ambiguïtés entre animaux morts et vivants, lieux abandonnés, objets corrodés par le temps, personnages énigmatiques. Son travail pousse le spectateur vers un état entre réel et irréel, vers une zone de passage, un entre-deux. On découvre donc un monde étrange et familier à la fois, unheimlich donc, un monde plus proche de la dimension du rêve que d’une réalité objective, dont nous reconnaissons certains éléments sans pourtant pouvoir identifier un territoire distinct et définit. Ces images éveillent un sentiment d’attente, comme dans un film à suspense, dont elles pourraient être les fragments.

Né en 1969, Pascal Grimaud vit et travaille dans le sud de la France. Il se consacre à des projets d’auteur au long cours. Son travail donne lieu à diverses publications et expositions en France et à l’étranger. En 2004, il publie « Le bateau ivre, histoires en terre malgache » chez Images en Manœuvres, suivi en 2006 de « Filles de lune – de l’archipel des Comores à Marseille », et de « Maiden Africa » en 2009. Ses photographies paraissent dans différents journaux tels Le Monde Diplomatique, Courrier International, Libération… Dans le cadre d’une commande du conseil départemental des Bouches du Rhône, il réalise de 2013 à 2016 un projet sur son village natal dans les Alpilles. Deux ouvrages rendront compte de ce travail : «Cahier 2013/2015» et «Le temps présent» aux éditions Filigranes. Il retourne régulièrement à Madagascar, île qui ne cesse de questionner sa pratique photographique et 10 ans après la sortie de «Filles de lune», il initie un nouveau projet dans l’archipel des Comores et sur l’île de Mayotte.

Maude Grübel est née à Munich en 1980. Diplômée de l’Académie nationale de la Photographie de Munich en 2004, elle quitte l’Allemagne en 2006 pour s’installer à Marseille où elle vit et travaille actuellement. Son travail a fait l’objet de nombreuses invitations dans des expositions et présentations en France, en Allemagne et en Algérie. Parmi les expositions les plus récentes, il faut citer Polyptyque – Salon de la photographie contemporaine Marseille et Polyptyque à la Galerie Binôme à Paris en 2018, Jardin d’essai au Château d’Eau de Toulouse et à la Villa Méditerranée Marseille en 2017 ainsi que dans la galerie Warte für Kunst à Kassel en Allemagne en 2016. En 2014 elle est invitée de présenter son travail Lisières au Mucem. En 2015 Maude Grübel publie son premier livre Jardin d’essai, un ensemble de photographies réalisées à Alger et ses alentours entre 2009 et 2014 chez Filigranes éditions en coopération avec Zoème éditions. Un ensemble de ce travail a été acquis par le FRAC PACA en 2019. En parallèle à ses projets personnels, elle encadre régulièrement des ateliers de pratique artistique.

« L’intime en photographie est un territoire fragile qui nécessite d’être parcouru avec prudence. Allemande vivant en France, Maude Grübel inscrit son œuvre sur ce fil tendu avec un mélange de pudeur et de détermination. Les origines, celles de sa famille, la Tunisie, la Pologne mais aussi l’Algérie, le parcours personnel, les trajectoires, les épreuves… La photographe ne recule pas devant ses sujets. Elle construit ses images avec force et retenue, élaborant une œuvre éminemment personnelle qui résonnent pourtant au-delà de l’expérience subjective. Maude Grübel saisit des fragments de corps et des espaces morcelés, elle met en place un ensemble qui (re)construit une mémoire, parcellaire ou précise. Parfois, des dessins accompagnent l’élaboration de ses projets, ils agissent à l’endroit de la sensation, de l’insaisissable, le trait prend alors le relais de l’image dans cette exploration sans compromis de ce qui fait l’humanité. » Guillaume Mansart, Directeur artistique de Documents d’Artistes PACA

« Après mes études à l’Académie nationale de la Photographie de Munich, je quitte l’Allemagne en 2006 pour m’installer à Marseille. D’un père allemand et d’une mère française née en Tunisie, mon travail circule entre L’Europe et le Maghreb. Je travaille sur les rapports entre notre identité intime et notre identité sociale et j’interroge le rôle des ruptures dans les trajectoires individuelles aussi bien que dans l’histoire collective. Les mutations du monde, la construction mémorielle, leurs lacunes, ce qui reste, qui s’efface et se transforme charpentent mon travail. J’utilise différents procédés photographiques et j’inclus archives, images scientifiques, notes, planches-contact, fragments collectés et transferts de polaroïds dans mes travaux. Je collectionne des images… À travers ces inventaires photographiques j’associe récits documentaires et écritures poétiques. Par le dessin régulièrement présent dans mes recherches artistiques, je traduis de manière plus directe l’intangible.«  Maude Grübel
Né en 1970 à Marseille, vit et travaille à Marseille.

Jour de voyage

Si Stéphane Guglielmet rêve d’ailleurs, il part le chercher en train. Sans rien attendre, comme si cette errance créative née d’une envie d’imprévu amenait à lui des visions inattendues.  Depuis trois ans, cet explorateur du « non loin », adepte du rail, arpente notre territoire commun sans bagage, l’appareil à la main. Et dessine en images sa géographie secrète. Son pays, son point de vue. Il creuse un sillon photographique loin du pittoresque comme on trace un chemin qui forme, à vive allure, un récit. Un carnet de transports intérieurs dont les jalons sont le mouvement et la marche. Une quête intime qui invite simplement, sans mise en scène et avec pudeur, à être le passager clandestin de son poème visuel, ballade composée avec l’aléatoire de la flânerie. Une sorte d’appel à franchir un pas de côté, à saisir cet instant fugace, à peine entrevu…

Son objectif est braqué sur l’ordinaire, à la manière d’un Walker Evans qu’il vénère. Lui aussi a ce goût pour l’anonyme jamais anodin, le quotidien révélé dans de menus riens. Mais ses photographies sont portées par un je-ne-sais-quoi très personnel, dérobé à la conscience presque par accident. Sa série nomade se traverse comme une enfilade de fenêtres au bord desquelles on pourrait priser le sel du moment, cet éternel absent. Une voie balisée de brèches pour apercevoir à travers le brouillard du banal les contours des faubourgs. En effet, ses scènes plongent dans un réel peuplé de nuages, fracturé par les lignes électriques. Elles laissent poindre une rumeur urbaine dont les éléments d’architecture témoignent de l’univers familier de la frontière : ce non-lieu entre la campagne et la ville, ces zones volées à la nature où l’homme impose sa marque. Et puis, il y a les gares et autres carrefours, les trains à l’arrêt et les lumières douces du passage du jour à la nuit. Promesses de promenades, les cadrages jouent avec les reflets et les ombres fugaces. La répétition des traces de vie comme autant de signes à suivre, la fréquence de détails à repérer, mettent à jour un monde changeant. Ici et là, des présences fragiles, fuyantes mesurent l’intervalle entre le présent, un passé rêveur et un avenir incertain, comme l’abîme entre le minéral et le végétal. Ces instantanés qui entretiennent l’impression d’un déjà-vu, souvenirs d’autres aiguillages ou de cités perdues, exhalent alors l’air de la périphérie.

L’expédition suggestive de Stéphane Guglielmet traque le hasard, l’imparfait. Peut-être est-ce là l’unique fil conducteur de cet ensemble d’images équivoques, qui « marchent ensemble » pour mieux susciter des associations d’idées éphémères. Versatiles et transitoires comme les détours ferroviaires que ce chef d’équipage souligne à coups d’allégories légères. Un itinéraire, une méthode qui façonnent des espaces entre-deux où le regard attentif  du plasticien marseillais est aimanté, sourd au tumulte du trajet, par le paysage mouvant.

Gwenola Gabellec

Poésie de l’intime, la photographie de William Guidarini s’attache aux mécanismes de la mémoire et aux fissures de l’être. Les notions d’identité et de quête de soi sont au coeur de sa démarche d’auteur. Auteur des livres Ceux qui restent (Arnaud Bizalion Editeur, 2015) et Venise et ses îles (Arnaud Bizalion Editeur, 2019). Il mène parallèlement une activité de formateur en photographie, accompagnant sur la durée des photographes amateurs, éclairés et sensibles, dans la découverte de leur écriture photographique. Vit et travaille à Marseille (France).
Née en 1972, Valérie Horwitz vit et travaille à Marseille. Diplômée en communication elle recentre sa vie autour de la création en 2012 et obtient un DNAP de l’école supérieure d’art d’Aix-en-Provence en 2015. Ses séries s’ancrent dans l’intime pour se fondre dans le « réel ». Habitée par les questions de vie et de mort, la photographie devient le médium d’une écriture métaphorique et de l’indicible. Elle s’intéresse à tout ce qui enferme, et aux mouvements du corps et de l’esprit, qui permettent de résister, de se libérer de croyances, d’idéologies, et des conventions. S’il y a, dans sa photographie une certaine frontalité, elle se détache des protocoles généralement utilisés, et privilégie une approche sensible. Son regard, sur elle et sur l’Autre, se situe dans une proximité maximale, à la frontière de l’intime, de l’amitié ou de l’amour. Là, partout dans ses images, elle réinjecte du désir et de la sensualité, qui coexistent avec ce « dehors » qui agresse le moi, et vient toucher en nous la fulgurance de ce qui anime ou détruit le désir, et le fait persister comme énigme. Elle obtient plusieurs bourses d’état pour développer ses recherches personnelles (Drac PACA, Région SUD, Conseil Départemental). Son travail, soutenu par des structures associatives, galeries et musées, a été exposé (entre autres) au Mucem, Musée d’Histoire de Marseille, La Compagnie, lieu de création à Marseille, la Street Level Photoworks de Glasgow, et au CACY d’Yverdon-les-bains. Elle est régulièrement sollicitée pour intervenir en milieu scolaire et universitaire (Centre Photographique Marseille, le Conseil d’Architecture d’Urbanisme et de l’Environnement,  l’Ecole Nationale Supérieure d’Architecture de Marseille, et le FRAC PACA). Les thèmes qui habitent son travail l’amènent à d’autres collaborations, notamment avec le milieu psychiatrique et carcéral. Là, sa rencontre avec les publics nourrit sa réflexion et son travail personnel.
Né en 1944 à Casablanca, Yves Jeanmougin est résident à la Friche la Belle de Mai à Marseille. Photographe de reportage depuis 1973, il rejoint l’agence Viva dès ses débuts aux côtés des membres fondateurs : Martine Franck, Claude Dityvon, Hervé Gloaguen, Guy Le Querrec… Ses travaux sont régulièrement publiés, notamment aux éditions Métamorphoses auxquelles son atelier est étroitement lié : Marseille / Marseilles, Parenthèses (1992) ; Mulhouse, « portraits » d’une ville, La Filature (1994) ; Maroc, médina, médinas, Métamorphoses (1999) ; Carcérales, pages et images de prison, Parenthèses / Métamorphoses (2001) ; Déliés, une descendance algérienne, Métamorphoses / France Culture (2005) ; Algériens, frères de sang / Jean Sénac, lieux de mémoire, Métamorphoses (2005) ; Les Années VIVA, 1972-1982 : une agence de photographes, Jeu de Paume / Marval (2007) ; Casablanca, Métamorphoses / Tarik éditions (2007) ; Mémoire du camp des Milles 1939-1942, Métamorphoses / Le Bec en l’air (2013), Alger, Métamorphoses (2017).
« C’est précisément à travers le parcours personnel de quelques photographes, dont Yves Jeanmougin fait certainement partie, que l’héritage de l’agence Viva peut sans doute encore être décelé. Quand il décide de poursuivre sa route de manière indépendante, il le fera en marge des grands courants médiatiques et en préservant les exigences éthiques qui animaient Viva lors de sa création. En nouant diverses collaborations, avec des sociologues, des écrivains, des metteurs en scène, des réalisateurs, et d’autres photographes parfois, il est de ceux qui ont mis en œuvre une photographie émancipée du “news” et du “people”, et qui demeure indispensable à notre compréhension du monde. »
Annie-Laure Wanaverbecq
historienne de l’art, directrice de la Maison de la photographie Robert Doisneau, de 1996 à 2013
in Les Années VIVA 1972-1982 : une agence de photographes Jeu de Paume / Marval (2007)

Photographe humaniste, voyageur et urbain, j’ai toujours eu le désir de cristalliser le fugitif, de révéler l’imperceptible. Je ressens de la poésie dans des atmosphères décalées ; j’aime la surprise des rencontres inattendues ; j’aime traverser le miroir et pénétrer des mondes parallèles… c’est ce que j’exprime dans mes images.

Mon approche photographique aborde différents sujets : l’architecture, les paysages urbains, la rue et les gens… Pour mes prises de vues, je déambule « au feeling » au sein des lieux où je me trouve; particulièrement attiré par les espaces en mutation, les friches urbaines, les mondes entre deux, les espaces oubliés, ceux en construction, les quartiers « chauds » ; où je me trouve en résonance.

Membre de l’agence Tendance Floue. «Yohanne Lamoulère naît en 1980, pas très loin de la Méditerranée. Elle obtient son bac aux Comores, prépare une licence d’histoire de l’art à Montpellier, puis est diplômée de l’École Nationale Supérieure de la Photographie d’Arles en 2004, et s’installe finalement à Marseille. Yohanne n’a jamais eu la fibre du portraitiste mercenaire, dont le cadrage gommerait docilement le personnage tombé en disgrâce pour mieux inclure le «fils de» promis à un bel avenir. Elle préfère la compagnie des gens, pas parce qu’elle en aurait fait un épais concept, mais parce que c’est là où elle vit. Elle met du sien dans ses images sans jamais basculer dans le nombrilisme, cette subjectivité sans fond qui rend le monde plus opaque qu’il ne l’est vraiment». Bruno Le Dantec.

Anne Loubet développe une démarche documentaire animée par le réel. Rencontrer l’autre, être au monde et aller toucher du doigt ses semblables, avec pour  fil conducteur de ses problématiques : la pulsion de vie, traquer chez l’autre cet élan, cet état de grâce, cette foi, ou quête d’absolu.

Elle cherche la forme sans se limiter à un outil de représentation, la photographie, le film ou l’écriture, selon les nécessités des rencontres et des projets.

Son travail se développe par série sur des territoires clos et interroge souvent le lien avec le groupe, les espaces publics et collectifs.

Elle traque nos capacités à faire corps, nos aspirations et nos failles et les met en scène avec un peu de dérision.

Photographe documentaire et chef-opérateur, Stephanos Mangriotis vit entre Marseille et Athènes. Il a d’abord étudié les mathématiques et la philosophie à Bristol puis la photographie à Paris VIII. Dans son travail, il utilise la photographie et la vidéo pour créer des histoires autour de l’identité, les frontières et la marginalité. En 2011, il publie sa première monographie Europa inch’allah, qui a été exposé au Cosmos Books des Rencontres photographiques d’Arles. Son travail sur l’économie des fripes à Tunis en collaboration avec une anthropologue a été exposé en 2017 au Mucem. Avec son dernier court métrage Blue Sky from Pain, il a été sélectionné à plusieurs festivals dont l’International Film Festival Rotterdam, Journées Cinématographiques de Carthage à Tunis et Jihlava International Documentary Festival en République Czech. De 2012 à 2017, il a aussi coordonné un atelier de création photographique avec des gens qui souffrent de troubles psychiques avec l’association Dekadrage à Marseille. Ce travail a donné lieu à nombreux expositions et la publication « 4 ans de Folie » chez Images Plurielles qui a été sélectionné dans le Athens Photo Festival en 2018. En 2019, il devient membre du studio Hans Lucas.
Né en 1985 en Italie. Il étudie la peinture aux Beaux-arts de Venise et obtient en 2014 le DNSAP avec les félicitations du jury à l’unanimité à l’ENSBA de Paris. L’année suivante il reçoit le Prix de photographie de la Fondation des Beaux-Arts de Paris. Son travail a été publié entre autre dans Dazed & Confused, Waterfall Magazine, Out Magazine, Fantastic Man, Der Greif, Neon Magazine et Mouvement Magazine. « Dérivant d’un contexte autobiographique, biographique ou fictionnel, les images, qui forment les récits autour desquels mes séries photographiques sont construites, sont ouvertes à toute interprétation. Le récit n’est jamais imposé, il vit dans un espace d’évocation. Je suis fasciné par l’idée d’éveiller les perspectives des autres sur des expériences communes et universelles à travers les images et la façon dont le travail résonne avec d’autres réalités. »

Née en 1985 sur la Côte Vermeille, Léna Maria grandit là où les montagnes se jettent dans la mer. Profondément marquée par ce territoire, le paysage devient une obsession et le cœur même de sa photographie.

Son parcours s’est construit au fil de conversations entre diverses disciplines : de l’humanitaire à l’anthropologie, des sciences politiques à la géographie. Elle part vivre au Maroc en 2012 et réalise là-bas ses premières séries photographiques. Depuis 2015, elle poursuit ses projets et collaborations à Marseille, son port d’attache. Son travail est exposé en France et à l’étranger (Royaume-Uni, Maroc, Inde). En 2017, elle participe à une exposition collective à l’initiative du Musée Picasso-Paris : ses photographies côtoient les estampes de Picasso et les images de Man Ray. En 2019, elle est finaliste du prix Polyptyque et expose au Centre Photographique de Marseille. Elle est représentée par le studio Hans Lucas depuis juillet 2019.

Ma recherche visuelle gravite autour de la notion de « paysage », sous forme de petites fictions photographiques. Il y est question de matières, de fêlures, de mémoires et de rituels. J’aime suivre le détail, l’obsession, la trace. Je garde un rapport précieux aux sciences humaines et à la littérature notamment au sein du projet Tracks

Né en 1972, diplômé de l’École nationale supérieure de la photographie d’Arles, vit et travaille à Marseille.

Ses travaux interrogent la manière dont certaines questions écologiques ou politiques se concrétisent dans le paysage. À travers des protocoles de parcours, il documente les territoires en mutation, les frottements ville-nature ou les « résistances poétiques » dans les usages des lieux.

Dans sa quête de compréhension des modes d’habitation de notre monde, il cherche dorénavant à exercer son regard hors du paradigme « nature-culture ». Il travaille ainsi à photographier de manière moins distanciée, plus inclusive et directe et à orienter ses productions vers la représentation d’expériences humaines déplaçant nos rapports au vivant.

Qu’elles émanent de commandes de collectivités, de résidences de territoire ou d’initiatives personnelles ses séries sont menées sous la forme d' »enquêtes poétiques ». Autrement dit, lors de l’arpentage de terrain, les rencontres sensibles avec le réel qui font advenir les images, sont précédées et enrichies d’une période de préparation documentaire rigoureuse.

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