Théo Giacometti I'm not from here
Le pied sur l’accélérateur, calé tranquille à 70, je regarde Vegas qui s’éloigne dans le rétro. Adiós, roulettes, black jack et néons voraces. Vous me rendez triste. Je me souviens de cette vieille, seule, à 6 heures du matin sur sa machine à sous. Le soleil chauffe ma peau à travers le pare-brise. Vegas, ici même les morts dansent sous la lumière.
Devant, autour, partout, le désert encore froid, le ciel brûlé et la route si noire. Si grande, si douce, comme un ruban de soie sur la roche rouge. Il ne reste des Indiens que des boutiques de breloques, des attrape-rêves made in China dans les rayons des gas station et quelques noms, parfois, qui nous rappellent les chants tristes des tribus. On descend vers Kaweah River et Lone Pine, Californie.
Au rythme régulier des motels aussi glauques que dans nos rêves, les nuits passent. On fait l’amour devant le chauffage. Ça sent le burger et le gras jusque dans la bagnole. Merde. Toujours des parking, toujours des pompes à essence et toujours le soleil sur la roche brûlée. Le désert envahit tout, mais l’Amérique, bien sûr, joue la plus conne et plante là, dans la vallée morte, une oasis artificielle, avec piste d’atterrissage et golf privé, retraités multicolores et Bud a 10 dollars. Ici, on arrose la pelouse avec des glaçons.
Ici et là, perdus sur la route, quelques touristes se prennent en photo dans le sable blanc. On suit la Sierra du sable à la neige et au sable encore. Loin déjà les artères artificielles de Vegas et les gonzesses à plumes. Les cactus en fleurs défilent par la fenêtre. Je pense à tous ceux que j’ai lu, Hillerman, Harrison, Brautigan, Kerouac. Ils sont bien loin. So what ?
Dans la nuit, on se laisse avaler par les rubans de lumières infinis de la deux fois six voies qui s’engouffre dans l’abysse de Los Angeles. Je fume quelques cigarettes sur Hollywood Boulevard, puisqu’on ne peut fumer nulle part. Les stars sont des fantômes et les paumés, clochards pas si célestes plantent leur tente sur Sunset Boulevard. Tacos à volonté, acteurs ratés, bagnole en or : ça pue le fric autant que la misère. Tu me prends la main et me traîne dans un café.
T’es mille fois plus belle que L.A.