Erick Gudimard L’entrepreneur
Installé depuis près de 30 ans à Marseille sa ville de cœur, Erick Gudimard n’a eu de cesse d‘y multiplier les initiatives en faveur de la photographie et des personnes qui la font. Persuadé de l’importance de l’éducation à l’image auprès des plus jeunes, il dirige le Centre Photographique Marseille depuis son ouverture il y a 5 ans, un lieu qu’il souhaite ouvert et rassembleur.
Propos recueillis par Christophe Asso
Cher Erick, j’ai pour habitude de demander aux personnes que j’interroge de m’expliquer quel a été leur premier rapport à l’image, à la photographie. Je voulais savoir, vous concernant, comment tout a démarré.
Tout a débuté par hasard, comme souvent dans mon parcours. On a quitté une grande maison familiale pour habiter un endroit plus petit, dans lequel il y avait ce qu’on appellerait à Marseille une pièce noire. Dans le même temps, mon frère, qui était ingénieux et ingénieur, m’a donné son appareil photo et son matériel pour faire un laboratoire. Les deux coïncidant, je me suis dit : « Je vais essayer de faire des photos. »
Lui-même en faisait ?
Oui. Il s’intéressait plutôt à la technique. Mais c’était assez incroyable parce que cette pièce noire était parfaite pour faire un laboratoire. C’est donc dans cette chambre noire que la lumière est venue sur ma vie. Parce que le laboratoire et l’expérience de la prise de vue ont tout de suite été pour moi assez magnifiques. C’est vraiment via l’appareil photo que je me suis trouvé à l’aise. Je me souviens absolument de la première photo que j’ai faite. C’est une expérience qui a dû être partagée par beaucoup de gens. Pour ma génération, l’appareil photo a été un moyen d’expression, de position par rapport aux choses et aux gens. Cependant, je le faisais au début de manière très classique, familiale. J’avais une espèce d’album dans lequel je mettais les photos. C’était du noir et blanc et je les développais moi-même.
Vous aviez quel âge à cette époque ?
J’ai dû commencer en 1981, j’avais 17 ans. Donc : « Je suis né à 17 ans. ». Le philosophe Alain a dit ça je crois, parce que le jour où il a découvert la philosophie, ça a été vraiment une sorte de deuxième naissance. Mais bon, ça ne s’est pas fait du jour au lendemain. C’était quand même en province, dans le Massif central, loin de la culture. Il y avait un club photo au lycée. Un jour, ils ont fait venir un photographe qui nous a expliqué que la photographie, c’était terminé. Qu’il fallait passer à autre chose, qu’il fallait faire de la vidéo. Toute ma vie, j’ai entendu des gens dire que la photographie, c’était terminé. À chaque fois qu’on croit qu’elle est terminée, elle est augmentée par les nouvelles techniques, par les nouveaux moyens. C’est ce qui est une de ses forces en tout cas.
Vous ne venez pas d’une famille d’artistes.
Non, ni « d’intellectuels ».
Vous dites que vous étiez plutôt entouré de sportifs.
Dans ma famille, il y avait une grande pratique sportive. Mon frère a été footballeur professionnel et j’aurais dû certainement l’être aussi… Ce qui était important, c’était la présence d’éducateurs dans ces milieux sportifs, avec beaucoup de bénévoles, de gens qui s’occupaient des autres. C’est quelque chose qui est toujours resté et qui est encore présent dans tout ce que j’ai mis en place, je pense. Le goût de partager, d’apprendre, de transmettre, vient de là. C’est certain.
Cependant, c’était une vie où l’on n’allait jamais au musée. J’ai lu mon « premier livre » en classe de première. J’ai commencé par L’étranger de Camus. Ça marque ! Plus tard c’est vrai que vis-à-vis de mon milieu familial, il y a eu une sorte de déconnexion dans ce que j’ai fait. Un décalage pendant un certain temps. C’est vraiment un pas de côté important que j’ai fait. Ce sont les événements, le hasard et la nécessité, comme le disait une autre philosophe. Le hasard et la nécessité ont fait qu’à des moments donnés, il a fallu que je fasse des expériences personnelles, propres. L’appareil photo était l’outil pour ça. Je cite souvent Serge Tisseron, c’est lui qui a dit que l’appareil photo était l’outil d’appropriation du monde le plus extraordinaire que l’homme ait jamais inventé. C’est-à-dire que c’est un moyen pour partager et aller voir les choses. C’est comme ça que je l’ai vécu.
Mais rien n’a été linéaire dans mon parcours. J’ai tenté de faire des études « classiques ». J’ai failli être ingénieur. Puis je me suis retrouvé au service militaire. C’était en 1986 et je me suis dit qu’il fallait vraiment que je fasse la chose qui m’intéressait le plus. J’ai fait une sorte de petit bilan personnel, et la photographie était ce qui me tentait le plus. En cachette, sans rien dire à personne, j’ai passé le concours de l’École Nationale de la Photographie, qui n’était pas supérieure encore. Pour le faire, j’ai obtenu des autorisations spéciales pour sortir de la caserne pour pouvoir faire des photos, parce que je n’avais pas vraiment de photos alors.
Vous avez préparé le concours d’entrée pendant votre service militaire ?
Oui, je ne connaissais rien à rien ! J’ai acheté les trois livres qui étaient au programme et je prenais des photos en sortant de la caserne, grâce à un copain architecte, marseillais d’ailleurs. Il y a toujours eu des gens à des moments donnés dans mon parcours. Mon frère qui me donne son appareil. Gilles Durand, architecte à Marseille, qui me signe des papiers pour que je sorte tous les soirs prendre des photos, deux mois avant le concours.
J’avais appris l’existence de l’école au moment de son ouverture. C’est au moment où j’ai découvert la photo. Je rêvais de la faire, mais les conditions matérielles et familiales ne s’y prêtaient pas. Une fois que j’ai eu la volonté de faire cette école, j’avais déjà 22 ans et j’ai passé le concours sans rien dire à personne. Je l’ai eu miraculeusement.
À l’époque, les choses étaient moins complexes qu’aujourd’hui pour rentrer à l’école. On pouvait rentrer avec le bac directement. Il y avait trois choses : un sujet qui nous était donné, un livre à lire et un photographe à étudier. Moi, c’était Henri Cartier-Bresson.
Pour tout te dire, à l’époque, je ne connaissais pas Cartier-Bresson. J’étais vraiment un néophyte absolu. J’ai l’habitude de dire que les gens qui rentrent à l’école photo aujourd’hui en savent davantage que moi quand j’en suis sorti. On était presque tous comme ça dans cette génération. On était peu à avoir fait des études artistiques ou littéraires. On avait surtout une passion vitale ou essentielle pour la photographie, mais on débarquait de nulle part. Ça a pourtant donné des artistes reconnus aujourd’hui, et des gens qui travaillent dans des institutions. Mais ce n’est plus du tout le même fonctionnement aujourd’hui. Il y a plein de raisons positives pour que ce soit comme ça, mais voilà c’était très différent à l’époque.
Vous avez donc été diplômé en 1990. Après, vous avez fait une formation à Prague.
Une formation, c’est beaucoup dire. Pour gagner ma vie d’étudiant, j’étais couchettiste dans les wagons-lits. J’avais fait un grand voyage en 1989 de Ljubljana à Gdańsk, et en 1988, j’avais déjà été quinze jours à Prague. J’étais très attiré, je ne saurais pas dire pourquoi aujourd’hui, par une expérience comme ça, décalée. J’ai donc fait la demande pour faire un cursus d’un an. Mais j’ai fait la demande en 1989, juste avant la chute du mur de Berlin. Je suis arrivé dans un pays en révolution ! L’école était aussi en révolution : les professeurs étaient plus ou moins soupçonnés ou mis sur le côté. Il y avait quand même des cours, mais ils étaient tous en tchèque. Mais ça a été formidable, parce que j’avais accès au matériel et j’ai rencontré toute la génération de photographes tchèques et slovaques de l’époque : Tono Stano, Ivan Pinkava, Miro Švolík et d’autres. C’est pour cela que ça a aussi été une expérience remarquable et inoubliable.
Dans un contexte particulier.
Ce n’était plus le communisme mais ce n’était pas encore le capitalisme. J’étais là lors de l’élection de Vaclav Havel. C’était la plus grande fête que j’ai jamais vue de toute ma vie. Il y avait des millions de personnes dans la rue qui dansaient et qui chantaient. Après, j’ai passé un an à Prague.
Vous avez fait des images là-bas ?
Oui. J’ai fait un travail photo sur plusieurs années, qui a été publié et montré à l’époque. C’était autour de l’autoportrait, une série de dix-huit autoportraits que j’ai faits sur une période assez longue de trois ou quatre ans. Parce que faire des autoportraits à la chambre, la nuit, ce n’est pas un truc qui est très facile. J’ai plein d’anecdotes un peu rocambolesques. Il y avait de temps en temps des gens qui arrivaient, qui me parlaient, qui discutaient, qui me touchaient même parfois. Un contrôle de police une fois ! Parce que j’étais en position recroquevillée, je ne voyais pas ce qui se passait. Les temps de pause variaient de deux à vingt minutes. C’était un peu dans la continuité d’une recherche qui travaillait le lien entre le flou et le net. Je faisais ça en pleine rue, autour des lieux où j’habitais. Je suis retourné finir la série en 1993 et je l’ai finalisée en 1995.
À l’école d’Arles, il y a quand même eu deux rencontres exceptionnelles pour moi. Pendant les rencontres internationales de la photographie – ça s’appelait comme ça à l’époque – j’ai eu la chance d’être l’assistant, d’une part, de Duane Michals et d’autre part de Lee Friedlander. Ce sont deux rencontres qui m’ont beaucoup fait avancer et beaucoup appris en un temps très court. À l’époque ça faisait partie du cursus de l’école de travailler aux RIP. Mais ça n’existe plus je crois. J’ai fait des accrochages d’exposition, dont un mémorable avec Stanislas Amand et Valérie Jouve. C’étaient des moments d’expérimentation et de liberté dans des conditions professionnelles. Ça fait partie des moments forts de la formation, qui par ailleurs était exceptionnelle, grâce aux enseignants et à l’impulsion d’Alain Desvergnes le directeur.
Dans votre promotion il y avait Valérie Jouve.
Oui, et Nicolas Feodoroff, Stanislas Amand, Brigitte Bauer, Yveline Loiseur, Pierre-Yves Brest, Andrea Keen… et d’autres que j’oublie qui sont actifs dans le milieu de la photographie. Il y en a aussi qui n’étaient pas dans ma promotion directement, mais avec qui j’ai pu rester en contact comme Nathalie Giraudeau, Fred Boucher, Luce Lebart, Christine Barthe… Thierry Crombet, qui a créé La Compagnie avec Estelle Fredet et Valérie. Il y a beaucoup de gens comme ça qui ont tissé des liens communs. À l’époque à Arles, il ne se passait rien du 30 septembre au 15 avril : il devait y avoir un bar ouvert la semaine et il n’y avait pas de cinéma la première année quand j’y étais. Pas d’internet. C’était une époque où téléphoner coûtait cher. On était à l’école de neuf heures du matin à onze heures du soir, avec accès aux laboratoires et à la bibliothèque. On y était à temps plein et en immersion. Ce sont des choses qui n’existent plus non plus. Peut-être que c’est bien d’avoir beaucoup d’ouverture, mais être vraiment concentré sur quelque chose, c’est important aussi. L’été arrivait, tout à coup c’était l’explosion ! Il y avait des gens qui venaient de partout, qui faisaient des fêtes…
En 1983, j’étais pourtant venu aux rencontres et je m’étais dit que jamais je n’irai vers là. Ce n’était pas du tout mon milieu. J’étais jeune. Je n’avais pas vingt ans, mais c’était très loin de ce que j’étais.
Qu’avez-vous retiré de l’école ? Que vous êtes-vous dit quand vous en êtes sorti ? Que vouliez-vous faire ?
À l’époque, quand je suis sorti de l’école, je voulais être artiste et rien d’autre. Je ne suis pas du genre à faire des bilans ou à tirer des conclusions, cependant, ce que je me suis dit c’est que je voulais continuer parce que je sentais bien que vu d’où je venais, j’avais encore beaucoup à apprendre. Puis la vie a fait qu’il s’est passé beaucoup de choses…
Je suis allé vivre deux ans à Paris. J’ai travaillé pour le ministère, pour une étude historique. J’ai enseigné très rapidement la photographie. Je suis retourné à Prague de 1993 à 1995, pendant deux ans pour terminer le travail photographique que j’avais commencé. Ensuite, je suis directement arrivé à Marseille avec ma famille, qui entre-temps s’était constituée et qui a continué à s’agrandir à Marseille.
Pourquoi ce choix de venir habiter à Marseille ?
Quand on habite très loin et qu’on veut revenir en France, c’est toujours un peu compliqué. Marseille était accessible pour nous. C’était un endroit que je connaissais pour l’avoir fréquenté quand j’étais à Arles. J’avais des contacts à La Compagnie qui commençait à exister sous son format actuel, avec des possibilités de collaborer avec eux. C’était une décision commune. On avait de l’appétence pour la ville. Elle nous intéressait. C’était un choix assez naturel.
On s’est installé et je n’en suis toujours pas parti. Marseille m’a fasciné très vite. Et puis après Prague, je pense que c’était la ville qu’il fallait. La ville était différente d’aujourd’hui, encore plus sauvage. C’est une ville où on fait des découvertes sans arrêt. Qui est assez inépuisable.
Vous vous installez à Marseille en octobre 1995 et en 1996, c’est la création de l’association Les Ateliers de l’Image.
Oui. À l’époque, l’association avait pour objectif de réaliser des ateliers dans les écoles primaires. Nous l’avons créé avec Flore Gaulmier et j’avoue humblement qu’à l’époque, c’était autant pour elle que pour moi, parce qu’à priori les ateliers ça ne m’intéressait pas forcément. J’ai changé d’avis depuis mais j’étais toujours dans ma logique de pratique artistique pure. Mais très vite, Estelle Fredet m’appelle en me demandant si je veux faire un atelier dans le lycée Jean Lurçat à Martigues. Et c’est ce qui a été fondateur. C’était un atelier formidable, avec un groupe formidable. Là, je me suis dit que cela avait quand même beaucoup de sens. L’adolescence est une période fondatrice. Je trouvais qu’il y avait matière à partage et création.
Au départ des Ateliers de l’Image pourtant, à la fin des années 1990, nos projets étaient systématiquement refusés. Je parlais beaucoup d’éducation à l’image, d’outils pédagogiques, et à l’époque le système refusait ça. Les artistes devaient rester des artistes et ils ne devaient pas apprendre quelque chose. Ils devaient transmettre une pratique. Le texte que j’ai fait à l’époque sur ce qu’est un atelier de pratique artistique, ça a été comme un mantra qui m’a toujours suivi. Ça venait je pense de l’enseignement de notre directeur à l’école d’Arles qui pensait que la main et l’œil étaient deux choses qui devaient aller de pair. On devait à la fois réfléchir et agir. Analyser et comprendre pour agir.
Jusqu’en septembre 2001, aucun de nos projets ne passait. Et clairement, dans les semaines qui ont suivi les attentats du 11 septembre, avec toutes les images qui sont passées dans les médias, dans la presse, il y a eu une prise de conscience à la fois de l’éducation nationale et des partenaires. J’ai reçu des appels de personnes qui me disaient : « Je vous avais rencontré pour un dossier sur l’éducation à l’image. Est-ce qu’il y a des choses qui peuvent se faire ? »
Vous l’avez vraiment ressenti comme ça ?
C’était flagrant ! Il y a eu tout à coup une machine administrative qui s’est intéressée à cette idée d’éducation à l’image, au sens strict du terme. C’est-à-dire, analyser, comprendre, déconstruire, reconstruire, avec l’idée qu’on est capable de sortir les gens de leur statut de simple spectateur en leur donnant des clés.
C’est aussi le moment où on a mis en place un projet avec deux collègues de l’école, Nicolas Feodoroff et Stanislas Amand, qui s’appelait La Ville Invisible. Ça a été le premier vrai projet de l’association, où l’on a travaillé Marseille en tant que terreau. Ce projet avait la particularité d’associer un photographe et un non-photographe. Ce pouvait être un architecte, une sociologue, un marcheur, une historienne du patrimoine. Des gens qui avaient une autre lecture de la ville, et on a créé des workshops de deux semaines où les gens venaient à Marseille pour photographier, filmer. Cela a été l’objet de collaborations, avec l’Office Cinématographique de l’Enseignement et beaucoup d’autres partenaires.
Cette aventure a duré et m’a permis de rencontrer Jean-Louis Garnell, Suzanne Hetzel, Hendrik Sturm et d’autres artistes photographes qui sont passés de manière plus brève. C’est grâce à La Ville Invisible que j’ai commencé à comprendre un peu ce qu’était Marseille, à avoir une lecture de la ville, de ses strates, de comment elle pouvait fonctionner, dans ses contradictions et ses mélanges, qui ne sont pas toujours effectifs d’ailleurs. C’est à partir de là qu’il y a eu un enracinement.
Vous avez trouvé votre place.
Je ne sais pas si on trouve un jour sa place. En tout cas, il y avait un partage qui se faisait et il y avait de la création en même temps. C’étaient des éléments qui m’allaient bien. Et il y avait aussi ce côté entreprise. C’est Christine Breton, qui était dans le projet, qui m’a dit un jour que j’étais un entrepreneur. Je lui disais que mon père était un entrepreneur de textile, certes, mais que je ne voyais pas trop le rapport avec lui. Mais elle m’a dit : « Si, entreprendre, c’est prendre entre ses bras, entre ses mains, et toi, tu sais bien faire ça. Tu sais prendre les gens ensemble pour qu’ils fassent les choses. » À partir de ce moment, je me suis dit qu’il y avait peut-être un chemin à explorer.
Pour diverses raisons, je n’ai pas poursuivi ma pratique personnelle. J’ai fait des commandes publiques, mais après je n’ai pas poursuivi. Ça a été douloureux. C’est à ce moment-là, au début des années 2000, que la bascule s’est faite.
Est-ce quelque chose d’irrévocable ?
Rien n’est jamais acquis à personne… Rien n’est irrévocable. John Coplans a commencé la photographie à 60 ans, Gilbert Garcin un peu plus tard. La retraite n’est pas très loin. L’espérance de vie ayant augmenté depuis, tout est possible.
J’ai beaucoup de respect pour les artistes. J’ai beaucoup d’exigence sur ce que signifie produire des images, particulièrement aujourd’hui. Chaque instant, c’est encore plus important. Ce n’est pas si facile pour moi de dire pourquoi je rajouterais une image de plus dans la forêt mondiale des images. Il faut que ça ait du sens. À un moment j’ai essayé d’en faire et de travailler en même temps sur un projet. C’est un dilemme impossible à gérer. Au bout de quelques semaines, j’ai arrêté parce que j’ai compris que si je recommençais à ce moment-là, je ne pourrai plus continuer le reste. Si je m’y remets un jour ce sera à 100%.
Il faut avoir une nécessité intérieure qui soit vitale, suffisamment juste et importante pour le faire. Si c’est pour faire l’artiste ça ne m’intéresse pas. Ça ne m’a jamais intéressé.
Il faut se faire plaisir.
Oui, mais on peut se faire plaisir sans faire des expositions.
Ça doit partir de là en tout cas.
Oui mais en faisant de la photo tous les jours, comme tout le monde, je me fais aussi plaisir. J’ai même recommencé à mettre un film dans un appareil photo argentique. Il n’a pas de cellule, je fais tout au pif. On va voir ce que ça donne. Et ça me fait plaisir. C’est ce qui est particulier avec la photographie : faire des photographies, en soi c’est un plaisir. C’est aussi une expérience que parfois on a dénigré dans l’histoire de la photographie. On s’est souvent intéressé aux courants, aux grands mouvements, au rapport entre la photographie et l’art. On s’est intéressé aux images. Que veulent-elles dire ? Quelle est leur puissance, leur pouvoir d’émotion ou leur message ? Cependant, l’acte photographique en soi il y a très peu de gens qui ont écrit dessus (dont Serge Tisseron), mais c’est une partie intégrante du processus.
C’est un moment de liberté magnifique et une façon d’être au monde. Je connais des photographes qui me disent souvent que s’ils ne pouvaient faire que des photographies sans tout le reste, ils seraient heureux.
Ne pas avoir de compte à rendre.
Quand on est seul et quand on est artiste, on a de compte à rendre qu’à soi-même. C’est la différence avec ma position aujourd’hui. Je suis responsable de choses qui, par devers moi, sont souvent problématiques.
Concernant Les Ateliers de l’Image, il y a quand même eu une étape importante dans le développement des missions de l’association, c’est la création de l’espace d’exposition, La Traverse.
Oui. La Traverse a été la première expérience d’un lieu d’exposition. C’est assez drôle, parce que j’ai retrouvé récemment les documents des premières réunions, du premier conseil d’administration où, grosso modo, toutes les bases de ce qui a lieu aujourd’hui sont posées. Tout ce qui a lieu et aussi les choses qui n’ont pas encore eu lieu. Par contre les choses se sont faites par à-coups, par des rencontres, par des hasards successifs. Au départ, je pensais ouvrir très vite un lieu d’exposition et ce n’est pas du tout comme ça que ça s’est passé. On a d’abord fait La Ville Invisible et on a ensuite fait les ateliers dans les écoles.
Ce n’est seulement qu’en 2007 qu’on a ouvert le lieu La Traverse en partenariat avec Rouge Safran, éditeur jeunesse, et une association, Grains de lumière, qui existe toujours et qui s’occupe de cinéma expérimental. On partageait l’espace à trois et on partageait la programmation de La Traverse avec Grains de lumière, en ayant majoritairement des expositions photos. Grains de lumière faisant un à deux projets par an.
Vous aviez dès le départ l’envie d’un lieu d’exposition ?
Oui parce que je pense que pour expérimenter l’image, il faut se confronter à l’image en tant qu’objet. Ça vient de ma génération certainement, et c’est peut-être une idée qui est remise en cause mais c’est une question essentielle de l’expérience artistique. Et plus encore avec l’IA. C’est une rencontre factuelle, un peu physique, avec un objet qui a une forme, une certaine dimension, une matière et une manière d’être présenté. Ce sont ces éléments qui font la rencontre.
Je n’avais pas avec moi un bagage affirmé en comptabilité, en gestion de projet, etc. J’ai fait ça à la manière d’un artiste, pendant assez longtemps, je pense. Sûrement trop longtemps. J’étais encore dans mon atelier quand on faisait les projets. Ça a donné beaucoup de liberté et beaucoup d’inventivité. Ça a posé d’autres questions que j’ai dû affronter plus tard, en termes d’économie, de management, de ressources humaines, etc. Mais c’est aussi comme ça que les choses se sont faites historiquement en France, où beaucoup de lieux et d’espaces pour la photographie ont été inventés par des photographes.
Quel a été votre constat, quand vous êtes arrivé à Marseille en 1995 concernant l’offre culturelle photographique ?
Je n’étais pas forcément dans l’analyse de l’offre culturelle photographique. Il y avait des lieux et des galeries qui existaient. Soraya Amrane était déjà très active, mais je n’étais pas forcément dans cet état d’esprit. J’étais artiste photographe, je voulais faire des choses dans ce sens. À l’époque, j’étais enseignant à Paris. J’avais plusieurs boulots à Marseille, je m’occupais de faire grandir mes enfants, je participais à des commandes de 1% culturels. J’en ai réalisé une au Collège du Jas de Bouffan à Aix. Puis j’ai manqué de peu un projet important à Grenoble en 2000 qui aurait changé totalement mon parcours.
Je remontais souvent à Paris, même si le TGV allait moins vite, et je me nourrissais culturellement. Marseille était mon espace de liberté et mon espace familial. Je n’étais pas dans l’idée de construire un projet culturel à l’époque. Pas du tout. C’est venu dix, voire quinze ans plus tard. J’avais un amour assez inconditionnel pour la ville, que j’ai toujours, mais à l’époque, personne ne savait que c’était si bien…
Si, moi ! (Rires)
Oui. On était quelques-uns. Pendant longtemps, quand j’allais à Paris, je me faisais vraiment moquer parce que j’habitais Marseille. C’est drôle… mais bref c’est un autre sujet.
N’est-ce pas à ce moment que vous vous êtes dit que finalement, il n’y avait pas grand-chose à Marseille ?
Non. Ça a commencé en 2003, à la sortie de la première édition de La Ville Invisible. Je me souviens très bien de ça. On s’est retrouvé dans un café qui n’existe plus, entre la rue de la République et la rue Caisserie. J’ai dit à tout le monde : « Si vous le voulez, on peut peut-être faire quelque chose sur la photo à Marseille, parce que l’expérience de La Ville Invisible m’a beaucoup plu. Si vous avez envie, on peut faire ça ensemble ”.
J’avais ajouté : « Il y a seulement deux conditions. Un : je ne veux pas qu’il y ait de rapport de pouvoir entre nous. Et deuxièmement, je ne veux jamais faire des dossiers de subvention. » Évidemment, la deuxième n’a pas été possible, mais la première j’essaie toujours. Ce n’est pas simple, parce que ce n’est toujours pas naturel de ne pas avoir de rapport de force dans une organisation sociale. Cependant, j’essaie toujours de garder ça à l’esprit.
J’ai toujours été très axé sur l’idée d’horizontalité et non pas de verticalité. C’est peut-être parce que la pratique de la photographie est un acte extrêmement individuel, voire individualiste. On dit souvent que les photographes sont très individualistes. Me concernant ça vient de mon histoire liée au sport collectif, mais j’aime bien faire les choses à plusieurs. Il y avait des choses comme ça, comme un dilemme, une dichotomie. Là, j’avais l’impression de trouver un espace où c’était possible.
C’est vrai que ce sont des individualités qui arrivent à travailler ensemble.
Si on prend l’histoire des collectifs de photographie en France, il y en a eu beaucoup, mais peu ont duré sur la longueur. Il y a les rapports d’égo, mais il y a aussi des problèmes d’économie, de répartition. Ce n’est pas simple, mais c’est vrai que ça existe.
A l’époque, je connaissais des gens qui travaillaient dans le cinéma. Le cinéma, c’est forcément une équipe, une forme de troupe. C’est plus compliqué avec les photographes, même si les jeunes fonctionnent certainement différemment. Avant, chacun avait tendance à être sur ses propres réseaux (pas sociaux alors..). C’est quelque chose qu’on a d’ailleurs expérimenté quand on a créé Diagonal. Il n’y avait pas assez de transversalité, de latéralité dans la manière de travailler. C’est assez propre aux arts visuels, à l’image…
Pour revenir à ma vision de l’offre culturelle, je ne me posais pas la question. C’est venu en 2002-2005. La période 2002-2015 a d’ailleurs été très joyeuse, très libre, très heureuse. Tout était très spontané. On avait moins de budgets qu’aujourd’hui mais d’une certaine manière on avait plus de moyens, parce que peut-être on était moins exigeant. Ça m’a permis d’exposer beaucoup de photographes qui ont une certaine importance en France aujourd’hui, avec des artistes que je respecte vraiment. Et de travailler avec des personnes formidables humainement et professionnellement : Flore Gaulmier bien sûr, mais aussi Sarah Elze, Jose Echenique, Nathalie Boisseuil, Lisa Lucciardi, Jérôme Dorvault et d’autres. On a monté de grandes expositions hors les murs au [ mac ], au Mucem, au Frac, à la fac Saint-Charles… Avec aussi un partenariat régulier avec Les Bancs Publics dans le cadre des Rencontres à l’échelle. On a aussi fait de grands projets de résidence et de créations partagées avec Stephanie Kiwitt, Guillaume Janot puis Thierry Fontaine ; une grande commande dans l’espace public (Marseille-Marseille avec Guillaume Janot) ; des échanges avec la Slovaquie pendant MP2013 qui ont ensuite été montré à Sofia et à Bratislava.
Puis la Traverse a dû fermer parce que le propriétaire vendait le lieu. C’est là que l’on a posé le projet d’un nouvel espace, plus grand, avec les caractéristiques qui sont celles du Centre Photographique aujourd’hui.
Quel était votre volonté en créant La Nuit de l’Instant ?
La Nuit de l’Instant, on l’a créée en 2010 au moment de l’arrivée de Jose dans l’équipe. C’était une réflexion qu’on avait eue avec Pascal Neveux à l’époque, parce qu’on trouvait qu’il y avait quelque chose à faire à Marseille, sur ce modèle de nuits photographiques, tel que ça existait à l’époque à Arles ou avec le Printemps de Cahors. Il y avait ici un potentiel énorme, comme beaucoup de gens continuent de le dire. On a donc investi différents lieux de notre quartier commun, le Panier, avec le soutien du Frac qui nous prêtait des œuvres. On lançait un appel à participation pour des artistes et on sélectionnait chaque année quinze artistes, souvent émergents. L’idée pendant neuf ans, c’était de se poser la question : « où en est la photographie aujourd’hui ? ». Et on se la pose toujours… De voir comment les pratiques des photographes bougent, évoluent vers d’autres pratiques artistiques, tout en gardant les caractéristiques de l’image fixe. Ça a été des années très joyeuses et on espère cette année faire revivre La Nuit de l’Instant qui a duré neuf ans. Chaque année, on montrait entre vingt-cinq et quarante artistes dans une vingtaine de lieux différents via des films, des diaporamas, des performances, des installations ; avec des collaborations avec la Corée, avec Glasgow en 2018, avec le Frac Montpellier.
On devait la relancer en 2020 mais il s’est passé quelques évènements mondiaux qui ont fait que cela ne s’est pas fait. Cependant, ça fait partie des choses les plus intéressantes et les plus plaisantes que j’ai inventées.
Et que vous aimeriez réactiver.
On a ce projet de la réactiver sous forme de biennale, toujours en partenariat avec le Frac Sud, dans le cadre de la Biennale de la Joliette qui se monte cette année, avec toujours peu de moyens, mais beaucoup d’envie de tous les partenaires du quartier. On est sur un autre territoire. Cela a une certaine logique d’essayer de faire vivre le projet.
Vous êtes bien un entrepreneur !
Je suis toujours entrepreneur. J’aime toujours faire des choses. Cela vient sans doute de mon enfance, de la culture des années 70 où il n’y avait pas de freins. Les choses ont changé chez les jeunes aujourd’hui, et c’est normal. J’ai eu une enfance très joyeuse, très libre et très bienveillante. L’adolescence a été compliquée, avec des décès, des problèmes d’argent, mais l’enfance a été une base qui m’a aidé à supporter la vie.
Oui, c’est plaisant et enrichissant de faire. Les êtres sont faits pour entreprendre…
C’est une dynamique créative intérieure.Si vous ne l’avez pas mis dans votre travail d’auteur pour plusieurs raisons, elle se déporte naturellement sur autre chose.
C’est vrai. C’est arrivé a contrario à plein d’artistes de faire une pratique artistique par défaut. Ils sont photographes alors qu’ils voulaient être musiciens. Moi, je voulais être architecte, on a tous des rêves comme ça. C’est vrai que c’est quelque chose qui est en soi.
La Traverse s’est donc arrêtée en 2014.
On avait fait une exposition de Marine Lanier ensemble dans le cadre du festival Photo Marseille (NDLR Marine Lanier a été lauréate du Prix Maison Blanche en 2013). Je crois que c’était finalement la dernière exposition à La Traverse.
À partir du moment où on a fait savoir qu’on devait quitter le lieu, très vite, les collectivités nous ont demandé ce qu’on voulait faire. En janvier 2014, il y a eu une première réunion avec la Ville de Marseille et le Département, qui a posé les bases d’un projet de lieu plus conséquent sur la photographie, avec 300 mètres carrés minimum et avec une sorte de cahier des charges qu’on avait écrit ensemble.
Dès le départ vous vouliez être positionné à La Joliette ?
À l’époque, c’est surtout la Ville qui le voulait. Le Frac avait emménagé ici, le Cirva était à côté et le Mucem n’était pas loin. Ça avait du sens en termes d’équilibre urbain. Le Département et la Ville, mais surtout le Département, nous ont promis un lieu pendant deux ans. Ils ont essayé de le trouver. Il y a eu des péripéties que, par pudeur, je ne peux pas mentionner dans cet entretien.
Je le ferai peut-être un jour même si beaucoup de gens sont au courant. Ça a été épique, très marseillais et spécial en même temps. On passait sans cesse d’un extrême à l’autre, d’un lieu à un autre – alors qu’on avait déjà ce lieu, qui était là et pour lequel on payait un bail important. Cependant, on ne pouvait pas l’ouvrir parce qu’il y a eu des tractations politiques qui nous échappaient un peu.
On est rentré dans ce lieu que j’ai trouvé par hasard en mai 2015. J’étais avec mon ami José. On a vu un panneau « À louer, 300 mètres carrés ». J’ai appelé et la configuration du lieu m’a fait penser que c’était possible.
Les collectivités ont dit : « Pour financer les travaux, ça ne posera aucun problème. » Or avec les travaux on a déjà failli y laisser notre peau une première fois ! Ça a créé beaucoup de complications. Encore une fois, je ne vais pas m’étendre dessus, mais rester trois ans dans un lieu sans pouvoir l’utiliser et sans pouvoir commencer les travaux, parce qu’il y a des enjeux qui sont au-dessus de notre pouvoir et notre volonté, ce n’était pas facile à vivre. Ça a eu des conséquences.
Tout a été grand-guignolesque, pagnolesque, ubuesque… Un mois tout allait bien et le mois d’après tout était remis en cause. Le mois suivant, on allait commencer les travaux très vite. Après non, on devait déménager… Toute l’équipe que j’avais constituée a fini par s’en aller. Mais pendant ces trois ans on a monté de belles expositions hors les murs, notamment à La Friche. On a structuré l’offre pédagogique, renforcé la Nuit de l’Instant avec des partenariats à Glasgow et à Hambourg, et inventé la formule pour Polyptyque.
Il y a eu aussi un formidable projet participatif sur trois ans avec quatre photographes (Suzanne Hetzel, Yveline Loiseur, Didier Nadeau, Arnaud Théval) et le bailleur social 13 Habitat. Et une année très dense en 2018 qui a abouti à l’ouverture en novembre.
Mais après l’ouverture, il a fallu tout reprendre à zéro au bout de six mois, parce qu’il y avait des erreurs et une maldonne dans la construction financière du projet (travaux et fonctionnement). On a réussi à sauver le projet heureusement.
Cela représentait pour vous quand même un aboutissement, ce lieu.
Oui. Il y a des questions intimes, familiales, historiques qui faisaient je ne pouvais pas accepter l’idée qu’on n’y arrive pas. Humainement, ça a été extrêmement violent. Toute proportion gardée évidemment, parce qu’il n’y a pas eu mort d’homme comme on dit. Mais il y a toujours des conséquences que j’ai clairement subies dans ma vie personnelle, dans mes finances. Franchement je ne sais pas s’il faut l’écrire, mais c’est un fait. Ça a existé.
C’est une chose publique quand même.
Il faut dire aussi qu’il y a des gens qui se sont battus pour que le CPM existe ! Je tiens à les citer même si je prends le risque d’en oublier : Anne-Marie d’Estienne d’Orves, Véronique Traquandi (qui a tant fait pour la création à Marseille et dans le département), Sébastien Cavalier, Jaqueline Nardini. Puis Marion Hislen, Thomas Pierre, Hélène Audiffren après. Sans ces personnes-là et sans le Conseil d’Administration qui soutient le projet et l’équipe, rien n’aurait pu se faire.
Aujourd’hui, j’essaie de faire en sorte que les choses se lissent et qu’on arrive juste à travailler normalement. Actuellement le CPM a le dix-huitième budget de fonctionnement des centres de photographie en France ! C’est compliqué… Ce n’est pas un luxe que de vouloir faire en sorte que les artistes et les personnels aient des conditions de travail normales !
C’est mon combat actuel que de ramener le centre à flots, qu’il soit en bon état de marche et qu’on ait de quoi répondre aux demandes. On va essayer de convaincre les partenaires et aussi de trouver de nouveaux modes de financement. Ça n’a jamais été simple.
En tout cas, il a le mérite d’exister et il était attendu ce centre à Marseille.
Oui mais d’ailleurs ce n’est pas un centre de photographie, c’est un centre photographique.
L’histoire du nom est aussi assez drôle. Comme on avait eu du temps, avec tous les membres de l’association et les artistes, on a fait des groupes de travail pour donner un nom au lieu. Il y a eu 35 propositions je crois. Chacun donnait son avis mais Il n’y a pas une seule proposition qui ait emporté l’adhésion de tout le monde. À la fin, j’ai bêtement dit : « On va dire Centre Photographique » ça va faire plaisir aux institutions… On l’appelle Centre Photographique Marseille, et non pas Centre Photographique de Marseille car on n’est pas une délégation de service public. Parfois les gens arrivent dans le Centre en pensant qu’on est fonctionnaires de la mairie ! Ça, c’est le mauvais côté des choses mais le bon côté, c’est que ça a positionné le projet à un certain niveau, là où j’avais envie qu’il soit. Ça c’est positif, même si on reste une association.
Ça s’appelle Centre Photographique, ce qui en soi ne veut rien dire. Ça signifie qu’on travaille le photographique justement, qui n’est pas seulement la photographie. Qui est tout ce qui est autour et avec l’image, avec des publics et des artistes en même temps. Ça j’y tiens beaucoup. Le photographique, c’est beaucoup plus que l’image et c’est aussi beaucoup plus que la photographie. On a actuellement une exposition où il y a très peu de photographies (NDLR : Paulien Otheten) et qui est photographique. C’est assez exceptionnel, mais c’est possible. La Nuit de l’Instant, c’était déjà ça d’une certaine manière.
Le mot centre, c’est aussi une référence au centre d’art.
Absolument. Il y a ce projet de labellisation qu’on va porter l’année prochaine. Il y a aussi l’idée que l’on accueille les gens, que c’est aussi un lieu pour les photographes où ils peuvent venir se renseigner, trouver un conseil. On a un centre de ressources qui est dans les cartons depuis cinq ans et que l’on doit ouvrir. Il faut juste des gens pour pouvoir s’en occuper (Rires). L’idée est d’avoir un centre d’art lié à un territoire et à des acteurs qui le font vivre.
Le CPM est très tourné vers les artistes avec tout ce que vous mettez en place en termes de résidences et de commandes.
C’est quelque chose qui s’est renforcé avec le Covid, c’est vrai, mais ça correspond tout à fait à nos missions. C’est un soutien aux gens qui travaillent et qui vivent à Marseille, et plus largement dans le département. Parce que s’il n’y a pas d’artistes, il n’y a pas de centre d’art. On va aller plus loin dans le travail avec les artistes, dans la connivence avec eux.
En tout cas, c’est un lieu qui se veut ouvert. Les soirs de vernissage, il y a souvent beaucoup de monde, des gens différents à chaque fois, et qui discutent entre eux. Ce qui m’intéresse, c’est que ça génère des rencontres, des discussions. Des gens vont peut-être faire quelque chose ensemble après. Créer des cercles comme ça, des spirales de création et d’envie, c’est quelque chose qu’on avait beaucoup vu avec la Nuit de l’Instant puisqu’on accueillait quinze artistes en même temps. Plusieurs ont continué de se voir et de faire des projets ensemble. C’est vraiment quelque chose qui me rend heureux.
Le CPM est devenu une référence.
Merci. J’accepte humblement le compliment.
C’est un constat.
C’est un fait qui, évidemment, me fait plaisir. Mais il doit y avoir d’autres initiatives et d’autres projets, parce que Marseille n’est pas un village.
Soraya Amrane et Loose Joints ont créé des librairies, mais je pense qu’il y a encore de la place pour un lieu pour les livres et la photographie à Marseille. Il n’y a pas non plus de galeries privées sur la photographie. Il y en a deux ou trois à Lyon. On ne sait toujours pas exactement pourquoi car il y a un potentiel qui reste important, on le voit avec Polyptyque. Si on peut être un facteur d’agrégation, ce serait avec plaisir que cela se développe autour du Centre.
On nous demande parfois un peu de tout faire alors qu’on n’en a pas les moyens. C’est aussi mon travail en ce moment : alléger et resserrer les missions. Pour éviter de se mettre à nouveau en danger. C’est un peu ce qui m’a été reproché à un moment, en faire trop, alors que moi je pensais que je n’en faisais pas assez. Quand on faisait La Ville Invisible, on me reprochait de ne pas cibler un public en particulier. Quand je faisais la programmation, on me disait au début : « Il faudrait que tu aies un axe de programmation simple. »
Or la photographie est intéressante pour moi parce que c’est un outil qui travaille à 360 degrés, qui permet d’être accessible à des catégories de gens différents, à des personnes qui n’ont pas de lien avec la culture. Car on a tous un lien naturel avec la photographie. Bourdieu a très bien expliqué ça, et c’est une vérité qui est toujours vraie, qui est même augmentée. Pas seulement avec la réalité augmentée mais qui est augmentée en pratique, qui est vivante. Quand on reçoit des classes, d’où qu’elles viennent : la photographie ça leur parle. Ils en ont déjà fait. Cela fait un peu partie de leur monde, donc ça leur permet de rentrer dans un autre univers sans même s’en rendre compte.
Vous êtes également Président du réseau Diagonal.
Je ne le suis plus – Fred Boucher et Eric Sinatora ont magnifiquement repris le flambeau – mais je l’ai créé. Ça a même commencé avant La Traverse. En 2006, j’ai été invité par une personne importante pour l’éducation à l’image par la photographie, qui s’appelle Francis Jolly. Il travaillait à l’éducation nationale et je l’avais rencontré parce que j’avais été sollicité par les Rencontres d’Arles pour le projet Une Rentrée en Images.
J’ai montré à Francis ce qu’on faisait déjà autour de l’éducation à l’image. Il m’a invité à une session de formation pour les enseignants à Chalon-sur-Saône. Là, ça a été une révélation. J’ai rencontré des dizaines de personnes qui faisaient des choses magnifiques, partout en France. On était tous sidérés de découvrir ce que les uns faisaient à Limoges, les autres à Saint-Étienne, à Mons-en-Barœul, à Carcassonne. C’est là où j’ai rencontré Éric Sinatora. À la fin de la journée, j’étais le dernier intervenant, je crois que j’ai fait la pire intervention de ma vie… mais ça avait suscité beaucoup de réactions positives. À la fin j’ai lancé à la cantonade, spontanément : « Je vous invite tous à Marseille pour qu’on fasse une réunion des associations qui travaillent sur la photographie ! » À l’été 2008, j’en ai reparlé à plusieurs personnes qui ont été essentielles dans la constitution du réseau : Christophe Laloi d’abord, qui était le directeur de Voies Off. Puis Nathalie Giraudeau qui dirige le CPIF à Pontault-Combault, François Saint-Pierre qui dirigeait le centre photographique de Lectoure. Grâce à Nathalie on a réuni d’autres personnes. À chaque fois que je parlais de cette idée de faire un réseau, tout le monde me disait : « C’est ça qu’il faut faire ! » Je l’ai donc fait. À vrai dire, personne ne voulait vraiment s’en occuper…
Pendant trois ans, les Ateliers de l’Image ont porté la coordination du réseau. Cahin Caha. On était neuf au départ, puis douze, quinze, et pendant toutes ces années, les gens ont cotisé sans qu’on dépense les cotisations. On a ainsi créé un fonds de roulement, et dès 2011 on a réfléchi à un programme d’éducation à l’image par la photographie au niveau national. Pendant quatre ou cinq ans, je me suis un peu cassé les dents au ministère. J’ai fait face à une forme de dédain par rapport au travail qui était fait en province. Je n’ai pas peur de le dire.
Puis les choses ont changé en 2016 où on a pu organiser un projet à Paris qui valorisait les résidences. Le programme d’ateliers autour de l’éducation à l’image n’avait pas été validé, mais l’idée d’une formation sur ce sujet a été possible grâce à Pierre Oudart. En 2016, j’ai proposé au réseau de capitaliser là-dessus, de garder l’argent pour mieux consolider le projet. On avait réussi à embaucher une personne pour la coordination, Erika Negrel, qui a pu développer les projets qui étaient en place. Notamment ce qui est devenu Entre les images, un dispositif national d’éducation à l’image par la photographie. À partir de là, il y a pu avoir une équipe structurée
En 2018 il y a eu des changements au ministère et ils ont créé le département pour la photographie. Via le réseau Diagonal j’étais déjà impliqué dans le CIPAC (Fédération des Professionnels de l’Art Contemporain) et au cœur des questions sur liées à la filière et à la formation professionnelle pour les artistes. Tout ça faisait que j’étais vraiment au fait de ce qui se passait au ministère. Diagonal est devenu une vraie référence et un vrai partenaire pour le ministère de la Culture.
Diagonal est toujours basé à Marseille ?
Oui, les bureaux étaient au CPM jusqu’à il y a trois mois mais cela devenait trop étroit. J’ai été le président pendant treize ans et je suis encore président d’honneur. C’est quelque chose qu’on a créé à plusieurs évidemment ; au départ on voulait savoir ce que faisaient les uns et les autres. Ça nous a aidé collectivement à mieux travailler, à communiquer et à se dire qu’on pouvait être force de proposition.
Comme développer des outils en commun.
Aujourd’hui il y a des commissions dans le réseau ; sur la médiation par exemple. Ce qui permet d’avoir des médiatrices et des médiateurs qui parlent entre eux pour mieux travailler, et pour bénéficier de ce que font les autres sans avoir à refaire les mêmes choses dix fois. Ça nous permet aussi de produire et de coproduire des expositions.
Et de les faire circuler ?
Oui même s’il y a des questions de programmation propre à chacun, et de format. On continue aussi d’inventer des projets ensemble. Il y a beaucoup de choses qui se sont font autour de Diagonal. C’est aussi une chose dont je peux être heureux et fier. Diagonal semble évident pour tout le monde, mais au départ c’était vraiment spontané et intuitif. Les choses ont mis du temps à se faire. Là il y a un outil, et il est toujours basé à Marseille.
Erika Negrel en fait toujours partie ?
Oui, plus que jamais ! Avec Jennifer Labord qui fait beaucoup pour Entre les Images notamment. Il y a Fleur Descaillot et Valentine Guillien qui travaillent maintenant aussi, plus une autre personne qui va être embauchée. Je pense que c’est une bonne chose pour la photographie. Ça a permis à tous les lieux d’être reconnus pour leur travail, parce qu’avant, la photographie c’était Paris et Marseille. Oh lapsus révélateur ! Paris et Arles. (Rires)
Ah oui, Arles, c’est vrai… (Rires)
Arles qui est le plus grand festival du monde, donc forcément, et Paris qui a le plus grand salon de photographie du monde et toutes les institutions concentrées. C’était intéressant de montrer, même s’il n’y a pas de commune mesure entre les espaces, que des choses de qualité se font ailleurs. Les artistes commencent par travailler avec nous, soit dans des résidences, soit pour des expositions, ce qui leur permet de se constituer un réseau et de se faire connaître.
Quelques mots sur Polyptyque ?
C’est un des seuls projets qui ne vient pas directement de nous, ni de moi. C’était une proposition de la Ville de Marseille dès le projet d’ouverture du CPM, dès 2015. La Ville souhaitait, avec l’émergence de Paréidolie, faire avec Art-o-rama une proposition sur trois salons au même moment, pour faire un parcours dans la ville. Ce qui est une très bonne idée. Sauf qu’encore une fois, l’association n’a jamais réellement eu les moyens pour le faire. La première année (2018) a été très déficitaire. L’année suivante ça s’est équilibré.
Après le Covid, en 2021 et 2022 on n’a pas eu non plus les fonds nécessaires. D’où l’annulation et le passage en biennale pour 2024, avec un nouveau modèle économique. Le projet est très important : mettre en avant des artistes de la région qui n’ont pas de galeries et les exposer en même temps que des artistes qui ont une galerie. Dans le but de les professionnaliser.
Et d’amener les galeries à découvrir de nouveaux artistes.
Absolument. Des galeries et aussi des responsables de programmation, des collectionneurs. Et cela aide les artistes puisque le prix leur a permis d’être visibles dans une galerie professionnelle.
Je tiens à dire une chose à tous les photographes. Dans tous les jurys qui concernent le CPM, je ne vote pas. Je suis davantage un maître de cérémonie qu’un prescripteur, parfois je suis amené à départager. Je participe à d’autres commissions où là je vote comme tout le monde. À chaque fois c’est un gros travail de réunir et de faire venir à Marseille ces personnes éminentes du monde de la photographie. Pour Polyptyque on a pu faire venir la directrice de Paris Photo et ça a changé un peu la donne. Quand il y a le responsable des collections photographiques du Cnap, quand il y a des galeries reconnues, c’est valorisant pour nous, c’est valorisant pour les gens qui candidatent et pour celles et ceux qui sont choisis par ce genre de jury. À noter qu’il y a toujours des artistes dans les jurys que l’on met en place.
Une fois que le prix est attribué, on ne fait presque plus rien mais on aide les artistes pour l’organisation des expositions l’année suivante. On organise le fret et le transport des artistes. Après, tout ce qui est relation professionnelle et commerciale se passe entre les galeries et les artistes ; ça ne nous regarde plus en quelque sorte. Et cette année on a pu montrer le travail des trois lauréats à Paris et à Hambourg.
Il s’agit de mettre les artistes en situation professionnelle. Arina Essipowitsch par exemple a fait un beau parcours depuis, avec une exposition en ce moment au musée du Jeu de Paume à Tours. Même pour ceux qui n’ont pas été lauréates ou lauréats, cela a été déclencheur pour une exposition, pour un projet de résidence, pour un atelier.
C’est quelque chose d’essentiel parce que ça vient toucher un endroit qui était tabou. C’est-à-dire le rapport entre l’argent et le travail artistique. Quand j’ai commencé, c’était tabou l’argent. Jamais à l’école on ne nous a appris à faire une facture et jamais on ne nous a dit comment on allait vivre. C’était il y a longtemps d’accord, mais aujourd’hui encore il y a une forme de réticence. En tout cas, il y a beaucoup de gens qui sont démunis vis-à-vis de ça. C’est un poil compliqué le statut d’artiste, même si cela s’est simplifié récemment. Avec Polyptyque, je trouve qu’on a un modèle qui permet vraiment d’aider les artistes à se faire connaître et à mettre en place des « bonnes pratiques ».
Cette dimension commerciale est affirmée dans les salons Paréidolie et Art-o-rama.
Oui, on est à peu près sur la même longueur d’onde. Mais quand on a ouvert le centre j’ai dit : « Si des artistes n’ont pas de galeries, on peut vendre nous-mêmes des œuvres.» J’ai eu affaire à une levée de boucliers de nombreuses personnes. J’ai eu du mal à faire accepter l’idée. Il n’y a rien pourtant dans les statuts d’une association qui interdit de vendre. On vend des livres, des cartes postales. Pourquoi ne vendrait-on pas des œuvres ? Au contraire, c’est bénéfique pour les artistes. Les artistes ne vivent pas d’amour et d’eau fraîche, nous non plus. Accompagner des gens qui sont capables d’acheter de la photographie, c’est aussi un travail. On commence à avoir quelques cercles de gens qui achètent. Ils viennent ici parce qu’ils ont confiance en nous. On prend une petite commission, mais ce n’est pas la commission d’une galerie. On le fait de manière exceptionnelle, donc ça rentre tout à fait dans les cadres légaux. Ce n’est pas notre activité principale, ça représente cinq pour cent de notre budget peut-être.
J’imagine que c’est bien vu par les institutions cet auto-financement ?
On pourrait se contenter de mettre les gens en relation, et comme je te l’ai dit, au départ certaines institutions nous ont dit : « Ce n’est pas possible. Un centre d’art n’a pas le droit de vendre.» Et de fait, dans le nouveau statut des centres d’art labellisés, il n’y a rien qui l’empêche.
D’ailleurs, cette réflexion sur l’argent s’apparente à celle sur la gratuité dans un centre comme le nôtre. Cela laisse croire à tout le monde qu’il n’y a pas de nécessité de payer les artistes. Évidemment, on maintient la gratuité parce que l’on pense que c’est essentiel – et puis ça nous coûterait plus cher d’organiser la billetterie. Cependant oui, les artistes doivent être payés et les gens qui aident les artistes doivent l’être aussi. Quand il y a des commissariats, ou des textes produits, tout le monde est payé. Et à chaque exposition, nous payons les artistes à un tarif souvent supérieur à la moyenne nationale.
Il est clair qu’on va vers une professionnalisation des métiers et c’est beaucoup d’argent en fonction des projets. Nos interventions en milieu scolaire sont également payées à des tarifs importants. Car ça a une valeur cette connaissance de la pratique d’atelier, ou cette capacité à produire des images dans une exposition. Ça a une valeur énorme en réalité. Par exemple, quand on paye 3 000 euros un artiste pour une exposition personnelle au CPM, ça peut paraitre beaucoup, mais en fait c’est presque sous payé quand on sait que cela représente parfois des mois de travail.
C’est pourtant au-dessus des barèmes.
En effet. Tous les artistes que l’on a exposés, depuis la première exposition à La Traverse, ont été payés. Les expositions collectives c’est plus lourd mais on applique les barèmes. Pour La Nuit de l’Instant c’était difficile avec nos moyens de l’époque, mais on invitait les artistes, on les nourrissait, on les logeait et on leur donnait un prix. Il y a un nouveau modèle au niveau national et c’est très bien. On ne peut plus exposer quelqu’un sans payer quelque chose. C’est comme ça que ça doit fonctionner parce que c’est normal. Il y avait des politiciens qui me disaient : « vos artistes devraient être heureux d’être exposés chez vous. On n’a pas besoin de les payer. » Moi, je répondais toujours : « Si vous faites venir un humoriste dans votre commune, vous n’allez pas le payer alors ? » Ça a pourtant fonctionné comme ça partout pendant des années.
Il y a franchement un progrès notoire, et c’est tant mieux. Et encore une fois, si on a des occasions de faire des ventes il ne faut pas s’en priver. On s’est rendu compte que ça rendait les gens heureux ! La personne qui achète est heureuse, elle est contente d’avoir une œuvre qui lui plaît. Le photographe est heureux. Nous on est content, non pas parce qu’on a une petite commission mais parce qu’on a rendu cela possible. Des gens dépensent parfois beaucoup d’argent pour mettre de la décoration chez eux… peut être qu’en les accompagnant on pourrait les amener à découvrir de jeunes artistes en devenir et à investir.
Yellow Corner ce n’est pas si économique que ça.
Non. C’est une escroquerie (Rires). Mais cela peut faire évoluer le regard !
Quels sont les projets d’Erick Gudimard entrepreneur ? Vous n’allez pas vous arrêter là !
Ma foi, pour le Centre je vais peut-être m’arrêter là parce que ça fait beaucoup. En tout cas je vais continuer pour pérenniser. On a une forme de réorganisation interne de gestion des projets. J’ai le désir absolu de refaire la Nuit de l’Instant et de faire Polyptyque autrement. On va travailler sur un mode de biennales alternées, comme j’ai appelé ça, ce qui va devenir un peu l’ancrage du Centre. Une année, pour Polyptyque par exemple, on va organiser un salon qui aura je l’espère plus d’ampleur. L’année suivante, on valorisera les prix. Ce qui déjà nous occupe bien. On fera La Nuit de l’Instant de manière plus grande, si la mayonnaise prend bien au mois d’octobre.
Parce que c’est vrai que ça va être l’anniversaire des cinq ans de l’ouverture du Centre. On a envie d’affiner les choses pour les cinq ans qui viennent, d’avoir une programmation plus fluide. Ça ne paraît peut-être pas de l’extérieur, mais on fait beaucoup de projets différents et de grande ampleur. On va « rationaliser » la programmation, avec trois, quatre, voire cinq propositions par an. Avec des axes autour du territoire, de la création émergente en France et des artistes reconnus en Europe.
Repenser également notre histoire associative. Créer des ponts avec les plus jeunes et des points de rencontre et de discussion plus souvent. On fait les Mercredis du centre de manière régulière, et c’est ouvert à tous ceux qui ont envie de partager, de discuter. C’est une mise à disposition de l’espace et des outils de communication pour que les gens puissent avoir un moyen pour montrer leur travail, pour parler, pour présenter un livre qui vient de sortir, etc. Il ne faut pas hésiter à nous faire des propositions ! On doit travailler là-dessus : pérenniser les actions, les augmenter et avoir un endroit où les photographes de Marseille puissent valoriser leurs images.
Pour terminer, ce que je souhaite aussi pour les cinq ans à venir, c’est qu’il y ait plus de jeunes artistes, des « entrepreneurs », des commissaires d’exposition avec lesquels on puisse réinventer le lieu régulièrement. Qu’il y ait une nouvelle génération qui arrive.
Je sais que l’époque n’est pas facile, anxiogène, incertaine, mais c’est notre époque. Et on n’en aura pas d’autres. Il faut faire quelque chose avec. Autant se dire qu’on peut faire des choses, même petites. Qui nous permettront déjà d’aller mieux. Moi, j’ai commencé la photographie parce que ça m’a permis d’aller mieux…