August photographies Le temps du portrait
Depuis 2017 Hélène Bossy et Clothilde Grandguillot réinventent le traditionnel portrait photographique avec leur studio qu’elles installent sur les événements, dans les entreprises et désormais chez les particuliers.
Propos recueillis par Christophe Asso
Quels sont vos parcours professionnels respectifs ?
Hélène Bossy : Je suis diplômée de l’École Nationale Supérieure de la Photographie d’Arles en 1999. Dès ma sortie, je me suis engagée dans un projet au long cours La Photo du siècle. Avec trois amis associés, nous avons dressé le portrait de la France rurale à l’aube du XXIe siècle. Par la suite, je me suis installée, en famille, à Marseille, j’ai réalisé des livres de photographies et travaillé pour la presse comme photographe et maquettiste, tout en poursuivant un travail photographique personnel. Avec August, j’allie plaisir de la rencontre et photographie dans sa dimension artistique.
Clothilde Grandguillot : Aprèsune formation de photographe et un master d’anthropologie, je deviens photographe et choisis le cirque comme thème de recherche. Pendant 10 ans, j’ai photographié la vie quotidienne dans les cirques en Asie et en Europe. En 2006, mon travail est publié dans le livre Ethnologic circus aux éditions Transbordeurs. Cette même année, j’ai entrepris des études de journalisme et travaillé dans la presse écrite pendant 5 ans avant de revenir a mon métier de photographe avec la création d’August photographies en 2017.
Qu’est ce qui vous a amené à la création d’un studio de photographies ?
Hélène : Le portrait m’a toujours passionné, qu’il soit peint ou photographique. Il défit le temps, un visage pour peu qu’on puisse le décontextualiser, dans l’image ou de sa date de création est intemporel. J’ai été fascinée par les portraits de la famille royale d’Espagne de Diego Velasquez au XVIIe, la figure adolescente de Felipe IV où l’on devine le malaise propre à cet âge ou encore la ressemblance entre les différents membres de la famille. J’avais l’impression d’entrer dans un album de famille et j’allais de l’un à l’autre de ces tableaux monumentaux, enthousiasmée par la modernité de ces visages ! Concernant la photographie, j’aimerais citer les portraits du début du XXe siècle de Martin Gusinde, anthropologue, des hommes de la Terre de feu, dont les différentes communautés étaient tragiquement en voie d’extinction… Ces visages en noir et blanc ont une intensité sidérante et une fois encore me paraissent étrangement contemporains. Je pense aussi aux portraits de studio d’Afrique de l’Ouest de Malick Sidibé ou Sanlé Sory où les gens venaient poser dans ces studios d’extérieur, parés de leurs plus beaux habits avec leur meilleur copain, leur fiancé.e, leurs enfants, à un moment où tout le monde ne possédait pas toujours un appareil photo.
Clothilde : A 10 ans, je faisais défiler mes copines devant mon polaroïd dans la coursive d’un immeuble. Pendant mes études, j’aimais aller chercher les gens dans la rue pour les faire poser en studio. Dans les cirques, j’ai apporté une attention particulière aux photographies de famille. Avec August, je continue cette pratique un peu obsessionnelle du portrait, cette recherche d’un échange, d’un moment fort.
Avec August, nous avions envie de renouer avec cette tradition du portrait chez le photographe. Proposer un regard différents des photos prises sur le vif ou des selfies, prendre le temps de la prise de vue, trouver la pose, la belle lumière pour magnifier, rendre beaux nos modèles. Ceci associé au désir d’offrir un moment privilégié à chacun.
Quelle est sa spécificité ?
Dès la genèse de notre projet en 2017, nous voulions nous développer sur deux axes. Le premier avec un studio destiné aux événements, photographier le public, les invités dans un décor original où les modèles repartent avec leur portrait. Portrait qui pourrait par la suite prendre une valeur autre qu’un moment ludique et être conservé précieusement dans l’album de famille (au propre comme au figuré!). Le second axe est de proposer nos services dans les entreprises, d’y installer notre studio pour photographier l’ensemble du personnel avec pour double objectif d’offrir à chacun une expérience originale et un beau portrait, pour la sphère professionnelle et privée. L’entreprise, elle, bénéficie d’une belle galerie de portraits qui la valorise en interne et à l’extérieur. La spécificité d’August photographies est donc d’être un studio mobile. C’est lui qui se déplace pour photographier des publics variés. Enfin, nous accordons une attention particulière aux fonds photographiques en travaillant avec des artistes peintres.
Pourquoi avez-vous nommé votre studio en référence à August Sander ?
August Sander est un photographe allemand (1876-1964). Il avait pour grand projet de photographier ses contemporains, répartis en différentes catégories etclasses sociales de l’Allemagne du XXe siècle, Hommes du XXe siècle. Il n’est pas question de se comparer a cet immense portraitiste mais de lui rendre hommage, le studio d’August aime à se déplacer dans des milieux contrastés, faire le portrait des habitants à la campagne ou à la ville ; dans un musée ou lors d’un loto d’entreprise, d’un séminaire ou dans une structure d’insertion. Au fil des ans, une grande galerie se dessine…
Au départ orientée vers les événements culturels et les entreprises, votre offre s’est depuis peu élargie aux particuliers. Ressentez-vous un regain d’intérêt de la part du grand public pour les photos de famille et les tirages papiers ?
La photo de famille est un thème cher dans l’histoire de la photographie. Nous avons remarqué au cours de nos différents studios sur des événements, comme les familles sont friandes d’avoir une photo, de l’offrir, de la conserver. L’envie nous est alors venue de nous déplacer chez les gens pour bénéficier ainsi d’un décor naturel, à leur image. Dans ce genre qu’est la photographie de famille, la dimension temporelle est importante, on vit, on grandit, on change de maison, de ville mais l’on garde précieusement ces visages enfantins, ces tenues incroyables, cet intérieur que nous aimions tant. Notre proposition est de venir passer un moment dans une famille, de saisir les instants de complicité mais aussi d’inviter à la pose et de rejouer cet art du portrait. Nous proposons ensuite parmi une sélection des tirages papier, des encadrements, la composition d’un carnet…
Avez-vous envisagé de mettre votre savoir-faire au service des publics spécifiques (établissements scolaires, hospitaliers, pénitentiaires, centres médico-sociaux) ?
Au gré de nos rencontres entrepreneuriales, nous avons constaté que beaucoup de professionnels œuvraient pour le bien-être des personnes, avec pour objectif d’améliorer leur cadre de vie professionnel et personnel. De multiples propositions existent pour gagner en confiance, retrouver de l’estime de soi et se sentir valorisé.e. Convaincues que la photographie peut elle aussi apporter quelques pierres à l’édifice, nous avons imaginé des ateliers où le portrait permet de façon ludique et créative d’élaborer un travail collectif autour de son image, en mêlant atelier d’écriture et création de différents portraits photographiques. Toute cette matière donne lieu à des moments de paroles et d’échanges, une exposition et la création d’un carnet pour chacun. Nous nous intéressons à des communautés où la question de la valorisation est importante : monde de l’insertion professionnelle, du handicap, de l’enseignement, particulièrement de l’adolescence et du milieu hospitalier.