Bernard Plossu L’amour des autres
Bernard Plossu expose à la galerie Territoires Partagés des photographies couleurs inédites réalisées à son arrivée à Marseille en 1991. L’occasion de revenir sur le parcours et la pratique de ce grand monsieur de la photographie, toujours curieux du monde, altruiste et généreux.
Propos recueillis par Christophe Asso
Quand et comment votre désir de photographier est-il apparu ?
Une fois, j’étais allé voir Albert Cossery, le célèbre écrivain Égyptien, qui habitait depuis plus de 30 ans à l’hôtel La Louisiane à Paris. Il venait d’écrire un livre sur le pétrole et le désert, « Une ambition dans le désert ». Je ne savais pas trop quoi lui dire, j’étais intimidé, tout ce que j’ai trouvé à dire c’est : « J’aime vraiment beaucoup ce que vous écrivez ! » (Rires) Et il m’a répondu : « C’est tout ce que je sais faire » C’est un peu ce que je pourrais te répondre. La photo c’est tout ce que je sais voir ! C’est une longue histoire, un mélange d’inattendu et de voulu. L’inattendu ça a été l’initiation à la photographie noir et blanc par les photos de montagne de mon père. Quand j’avais 13 ans il m’a offert un Brownie Flash et il m’a amené au Sahara. Ce qui est très étonnant c’est que ces photos du Sahara, qui datent de 1958, c’est exactement ce que je fais maintenant ! Le voulu ça a été d’aller à la Cinémathèque voir toute l’histoire du cinéma pendant des années. Comme je séchais les cours, j’ai raté mon bac mais je me suis mis en mémoire l’image. Je suis d’une génération où la photo n’était pas un art mais un métier, donc j’ai fait beaucoup de reportages pour des revues de voyage entre 21 et 26 ans et à l’époque il y avait du grand angle, des télé-objectifs. On faisait des jolies photos pour qu’elles soient acceptées et pour moi, à tout hasard, je faisais des photos en noir et blanc au 50mm, qui ne servaient pas et ce sont maintenant celles qui servent. C’est à dire qu’un jour j’ai eu conscience qu’il fallait que j’arrête de faire de la soupe, même si c’est un métier que j’adorais, et que je m’occupe plus de mes photos noir et blanc, celles qui se vendent pas, celles qui ne sortaient pas. Quand j’ai pris cette décision en 1975, j’étais au Niger à la rencontre des nomades. C’était tellement beau comme voyage, tellement fort. Je me suis dit qu’il fallait que je sois rigoureux. Donc je suis revenu à ce que je faisais jeune. Tout jeune je n’avais pas de grand angle, j’avais une Rétinette Kodak avec un 50mm et c’était les photos du Voyage Mexicain. Je suis revenu à ça. Alors ça donne des situations marrantes. Dans mes premiers bouquins il y avait un mauvais livre sur l’Ouest Américain qui s’appelait « Go West » avec de belles photos au grand angle, au télé, et en même temps je faisais des petites choses en noir et blanc pour moi. 20 ans après est sorti « So Long » qui est un petit livre noir et blanc où là il y a les bonnes photos. Maintenant avec 40 ans d’archives je peux faire des bouquins de grande ampleur parce que j’ai toujours des tas de photos anciennes qui n’ont jamais servies. Petit à petit c’est sorti et je suis arrivé à l’imposer comme mon langage et à changer de métier. Par contre même si j’expose beaucoup, je ne me suis jamais considéré comme un artiste mais comme un auteur. Je suis plus comme un écrivain qui écrit des livres.
Vous avez forgé votre regard avec les films de La Nouvelle Vague à la Cinémathèque française de Chaillot. Comment cette esthétique a-t-elle influencé votre pratique ?
La Nouvelle Vague et les grands classiques ! L’influence du cinéma classique c’est la même que celle de la peinture classique. Avec des gens comme Corot ou Courbet, des images très modernes peuvent sortir de choses apparemment classiques. J’étais très cultivé en images de cinéma alors que je ne connaissais rien à la photographie. Quand j’ai fait « Le Voyage Mexicain » je ne connaissais ni Robert Frank ni Cartier-Bresson. Avec mes copains on se baladait, on fumait des pétards et on faisait des photos. Ce que la Nouvelle Vague m’a appris c’est la caméra à l’épaule. Après j’ai désappris. On pourrait presque dire qu’une fois que tu as appris il faut désapprendre ! Pour oublier le trop-plein de culture. Tout est photographiable ou filmable tant que tu restes très naturel. Si tu commences à vouloir faire de belles choses tu pars dans l’esthétique. Et l’esthétique… Bof ! La liberté de mouvement et la liberté de l’image c’est la leçon de la Nouvelle Vague. Pas de studio, pas de décor, ni de lumière artificielle. Le plus important des cinéastes contemporains ça a été Bresson parce qu’il a très bien parlé du danger de la musique qui influence la pensée des spectateurs. La plupart des films de Bresson n’ont pas de musique. La photographie ce serait du cinéma sans musique. Une certaine photographie. Je suis pour une photographie vraiment rigoureuse : respecter les gris, ne pas foncer les ciels, ne pas dramatiser. Rien de pompier, il faut que ça reste sobre comme un tableau de Corot ! La photographie peut vite passer pour du sur-spectacle et il faut qu’elle reste du côté du langage. Il vaut mieux qu’elle reste littéraire et douce. Mon rêve c’était d’être cinéaste mais j’ai vite compris que ce que je voulais dire c’était caméraman, car je suis incapable d’écrire des scénarios. J’aurais été incapable de faire des films avec des histoires. Ce qui m’intéresse c’est l’image et un des drames c’est que finalement pour beaucoup de films on cite toujours le nom des acteurs et du metteur en scène mais rarement le nom des cameramen ou des photographes de film. Dans le cas d’Antonioni, sans les deux très bons cameramen qu’il a eu, je ne pense pas qu’on ait des films aussi bons. En France il faut être très cultivé en cinéma pour savoir que derrière Godard et autres il y a Raoul Coutard. La caméra est bonne, c’est Coutard, qui filmait ce qu’on lui disait de filmer mais à sa manière. Pour le Mexique ce qui était gravé en moi c’était « Vera Cruz » de Robert Aldricht, un très beau western, et « Viva Mejico » de Eisenstein. Au Mexique il y avait les paysages, les paysans, les marchés et il y avait les Mexicaines qui étaient belles comme les actrices de la Nouvelle Vague. Le problème du cinéma c’est que tu vois les actrices dans plein de rôles. Où tu y crois où tu n’y crois plus. L’avantage de la vraie vie quand tu photographies tes enfants ou la femme que tu aimes, c’est qu’ils ne seront pas dans un autre film. Ce qui m’intéresse au cinéma c’est quand j’arrive à voir un film dont je ne connais aucun acteur. Finalement maintenant j’aime bien m’amuser au cinéma, revoir les Charlots, les Tati et les Visiteurs ! (Rires) Les films qui m’ont le plus marqué : « La Nuit » d’Antonioni, « Le Silence » de Bergman, « La Vie à l’envers » d’Alain Jessua et puis « Alphaville » de Godart. Quand j’enseignais, je conseillais 2 livres aux étudiants : « Notes sur le cinématographe » de Robert Bresson et « Journal du Regard » de Bernard Noël, et les livres de Gilles Mora et Régis Durand. Puis j’ai arrêté les stages, quand on se donne vraiment, c’est fatiguant. J’en ai donné beaucoup, une centaine. À une époque, c’était mon gagne pain, je ne vendais pas de tirages. Il y a eu des époques très différentes : celles des commandes, celles des stages. C’est un métier où il faut trouver des solutions.
Vous vous définissez comme un « voyageur-migrateur ». Qu’est-ce qui déclenche vos déplacements à travers le monde ? Qu’est-ce qui fait qu’on quitte un endroit pour aller vers un autre ?
La curiosité et l’instinct. De mon temps le rêve de tous les jeunes c’était de voyager. Je fais partie d’une génération qui a eu la chance de ne pas avoir de guerre. C’était une période de liberté, à part le conflit au Vietnam, qui a permis de voyager. Mais plus que le voyage c’était choisir un endroit pour y habiter. Il y a eu des mouvances. Quand je suis allé à Goa ce n’était pas un hasard. À l’époque c’était le lieu de rendez-vous de toute notre génération. Mais je n’y suis pas resté, j’ai préféré aller en Inde. Après la Californie, toute la génération est partie s’installer au Nouveau-Mexique à Taos. Et après il y a eu les voyages de curiosité : la Turquie, le Portugal, la Pologne, l’envie d’aller partout quoi ! Je suis aussi beaucoup allé dans les toutes petites îles italiennes hors saison. Tant que les enfants étaient petits on les y emmenait mais après avec l’école c’était compliqué. Et ce qui nous a tout de même permis de voyager c’est que les parents de Françoise étaient encore assez jeunes pour s’occuper d’eux. Après on a voyagé séparément. Françoise a continué les grands voyages et moi je me suis mis à l’Europe. Je suis allé dans des endroits où je ne pensais pas aller un jour comme Prague, Vienne, Édimbourg. C’étaient des destinations européennes que je ne connaissais pas parce que j’étais complètement fixette sur l’Italie, l’Espagne ou le Portugal. Et de fil en aiguille j’ai pu aller en Écosse, en Pologne, profitant des copains qui conduisaient. En Pologne c’est un copain, Pierre Devin, qui m’a amené en voiture. Avant c’est moi qui conduisait, Mexico – San Francisco, je l’ai fait quarante fois ! (Rires) Les passages de la frontière, c’était pas toujours facile avec les chiens qui fouillaient la vieille bagnole pour voir si on avait de l’herbe. Il y a eu l’Afrique aussi, avec une vraie passion pour le Sahel. Là je n’étais pas résident, je suis allé au Niger, au Sénégal, en Égypte. Au Mali on s’est retrouvé dans des coins où il n’y avait personne. Dans les années 70 c’était le bout du monde. Ce sont des coins où aujourd’hui tu ne peux plus aller. Il y en a un qui y est retourné, c’est Franck Pourcel. C’est un très bon photographe qui a encore l’esprit du voyage. Il a été en Russie où il a eu des emmerdes. C’est pas facile de photographier dans des pays totalitaires. J’étais très anti-tyrannie. J’ai été bouleversé par le mur de Berlin. Imaginer un jeune de Berlin-Est qui a 20 ans et qui s’il saute sur un mur de barbelés se fait tirer dessus par des mecs de son âge qui obéissent à des fachos ça m’a bouleversé autant que le Vietnam. J’étais enragé ! J’ai découvert l’Est en allant en Pologne en hiver. J’ai senti que c’était un pays qui avait énormément souffert parce qu’en prenant des photos des gens âgés tu en voyais qui avaient très peur de l’appareil photo. Ce sont des gens qui ont eu les Nazis, les communistes, ils ont tout eu. Mon meilleur ami polonais, qui a mon âge, faisait la queue pour acheter du pain à 20 ans !
Depuis 1991 vous êtes installé tout près de Marseille, à La Ciotat.
Je viens de me rendre compte effectivement que ça fait longtemps que je suis quelque part et ça m’angoisse. J’ai l’impression de commencer ma mort à petit feu. Le fait d’être sédentaire me panique complètement. Je suis organisé, j’ai mes livres, mes archives, mon boulot. On est très amoureux Françoise et moi, on est très bien mais il y a un truc dans l’inconscient dans le fait d’être sédentaire et j’arrive pas à comprendre comment ça m’est tombé dessus ! (Rires) C’est peut-être lié en ce moment au Covid. J’ai tellement l’habitude de partir dès qu’on a envie de partir ! Et là de ne pas pouvoir partir, même en Italie ! On voulait partir en Ligurie avec Stéphane et on n’a même pas pu y aller. En ce moment je suis passionné par l’Angleterre que je connais mal et je rêve d’aller à Liverpool mais je n’y arrive pas. Bon ceci dit c’est comme ça on en est tous là. On va voir comment ça va s’arranger.. ou pas. L’essentiel c’est de ne pas crever au passage. Le sédentarisme c’est sans doute incontournable mais c’est angoissant ! (Rires) D’autant plus que mes écrivains préférés ce sont des aventuriers ! Je ne veux pas lire d’intellectuels. Je lis des mecs comme Kessel, Monfreid. J’ai jamais lu Foucault, je ne veux pas. J’aime lire Thesiger. Je suis porté sur la mouvance, je suis resté comme ça !
Vous dites photographier avec votre corps. Le photographe est pour vous un danseur dont le corps prend le dessus sur le mental, faisant place au lâcher prise. Comment décidez-vous du bon moment pour déclencher ?
Ça c’est compliqué… si je savais ! (Rires) En donnant un stage en Arizona il y a un élève qui m’a dit : « Vous photographiez comme une danseuse » J’ai réfléchi à ça et c’était bien vu. C’est un ballet. On le voit bien dans le film qui avait été fait sur Cartier-Bresson par Gjon Mili, il y a un moment où il saute pour faire une photo. Chacun a sa danse. Les photographes il n’y a aucun doute. On va à droite, on va à gauche. Des fois on sent un truc derrière et on se retourne. Sur la Canebière une fois il y avait un truc qui me plaisait en face. Je suis resté une ou deux minutes, rien n’arrivait. D’un coup je me suis retourné et toc, derrière, il y avait une photo et je l’ai faite, j’étais prêt et elle est bonne ! Donc il y a beaucoup d’instinct dans tout ça. En sachant qu’avec la photo il y a un drôle de truc. Tu vois un serpent, t’as peur du serpent. Mais si tu le prends en photo, t’arrives à dompter ta peur. Ça explique peut-être le processus des photographes de guerre qui arrivent à transcender la peur. En 2011 j’ai vu une expo à la MEP (Maison Européenne de la Photographie) qui m’a traumatisé. C’était une expo du photographe de guerre Henri Huet. On sentait qu’il rampait dans la boue, qu’il était avec les soldats. Je n’arrivais pas à sortir de cette expo tellement c’était fort ! C’était compliqué à gérer pour moi parce qu’il y avait deux expos très fortes au dessus, de très bons photographes poètes, mais il y avait un truc dans l’expo d’Huet qui était encore plus fort que la poésie. Il y était, il transmettait la guerre. Je me rends compte que je photographie souvent des choses qui sont pas forcément intéressantes. Une fois j’étais avec un très grand photographe américain dont je ne dirai pas le nom. J’étais en voiture avec lui et il regardait le paysage. C’était un paysage vraiment laid, il n’y avait rien. Et méchamment il me dit : « Prends une photo c’est pour toi ». Il n’a pas compris qu’en étant aussi méchant il me faisait le plus beau compliment ! (Rires) C’était un terrain vague où il n’y avait rien, mais arriver à faire une photo de ça c’est mon truc ! Boubat a dit la seule phrase qu’il y a à dire : « Image = Magie » Est-ce qu’on prend la photo ou est-ce que la photo vous prend ? Moi je pense qu’elle vous prend parce qu’il faut être prêt. Le hasard c’est pareil en photo que dans la vie. Quand tu cherches à faire des photos tu ne les trouves pas forcément. Ça arrive plutôt par hasard que par volonté.
Vous venez d’une famille de montagnards. De quelle manière la marche est-elle partie prenante de votre pratique photographique ? Avez-vous trouvé votre montagne ?
Ma montagne à moi c’est une ballade, en aucun cas une conquête. La première qualité d’un photographe c’est d’être bien chaussé ! (Rires) Que tu sois en ville en train de photographier Porto ou Bruxelles, ou que tu sois en montagne en train de faire de la randonnée, la marche c’est le moyen de transport typique du photographe. C’est lié à la curiosité la marche. Dans mon cas, j’aime beaucoup les moyens de transport, la voiture, le train. Là, il y a une double rapidité ! Quand t’es en TGV à 300 à l’heure et que tu fais une photo au 1000e de seconde, faut être prêt ! (Rires) Mais mon moyen de transport préféré c’est la marche. À mon âge ça fait circuler le sang ! Et puis il y a une sorte de convivialité. À Marseille il y a un photographe qui marche beaucoup c’est Jacques Filiu. Il fait des photos fantastiques de Marseille en marchant.
Vous photographiez régulièrement des oiseaux. Vous faites d’ailleurs partie de la collection « Des Oiseaux » aux éditions Xavier Barral. Finalement est-ce que ce n’est pas vous cet oiseau sur vos photos ?
C’est la liberté les oiseaux ! Une fois dans un petit village Andalou j’ai photographié une hirondelle qui passait devant le copain d’un de mes fils. Le copain c’est le meilleur joueur de football du village et là il me dit : « Vous êtes aussi rapide que moi au football ! » C’est une jolie analogie qui montre bien que ce n’est pas un truc intellectuel mais viscéral. Et comme dit Bailly les oiseaux c’est aussi la légèreté.
Quelques mots sur l’exposition « Marseille Inédit » à la galerie Territoires Partagés dirigée par Stéphane Guglielmet ?
En 1970 la rédaction de la revue « Le nouveau cinéma » m’a offert un petit appareil automatique, un Agfamatic et avec ça j’ai fait beaucoup de photos. La série en couleurs qui est à Territoires Partagés c’est fait avec ça, c’est un petit appareil jouet. Personne ne sait que j’ai photographié Marseille en couleurs ! En 1991 quand je suis arrivé à Marseille j’avais deux commandes celle du Conservatoire du Littoral sur l’archipel de Riou et « Marseille en autobus » (une commande de la Régie des Transports de Marseille). On était 3 photographes. Hedi Tahar un jeune cinéaste nous a filmés et on montre ce film dans l’exposition. J’avais aussi fait pas mal de photos à l’Agfamatic mais à l’époque je les tirais en noir et blanc. Et je me suis rendu compte que dans les négatifs originaux qui étaient en couleurs il y avait des images intéressantes. Donc on a tenté le coup avec Stéphane de les faire tirer au Studio Aza et de les montrer. C’est la deuxième fois de ma vie que je montre de la couleur qui n’est pas tirée par Fresson. Mais il y a tout de même deux Fresson dans l’expo ! (Rires) Territoires Partagés c’est une galerie qui n’est pas traditionnelle dans le sens où elle ne veut pas à tout prix séduire mais montrer l’existence d’une œuvre. On a pu montrer des choses que je ne montre pas d’habitude, qui sont inattendues. Ça me plaît beaucoup et on a plein d’autres idées ! (Rires)
Stéphane Guglielmet : Après avoir montré le travail de Bernard avec la Galerie Ambulante, cette exposition c’est la suite logique et c’est un privilège pour moi. Avec ces photos de Bernard il y a toute mon enfance et mon adolescence qui ressurgissent. Pour quelqu’un qui est né dans cette ville ces photos sont familières et très fortes. C’est le Marseille qui n’existe plus.
Bernard Plossu : À l’époque il y avait du Naples et du Palerme dans Marseille et je ne le trouve plus maintenant. Avec Jean-Claude Izzo on ne parlait que de ça.
Stéphane Guglielmet : C’est ça qui me console avec l’Italie et c’est notre point de rencontre avec Bernard. À Turin ils ont construit deux tours mais ils n’ont pas démoli la ville. Il y a beaucoup d’anciennes usines Fiat, Lancia qui ont été conservées et restaurées. À la Joliette ils ont rasé le passé industriel de Marseille. Dans « Marseille Inédit » c’est pour moi le seul Marseille qui existe.
Quels sont vos projets ?
Je travaille avec Patrick Sainton sur une idée autour de l’atelier de Cézanne. Il y a aussi un projet sur toutes mes petites îles Italiennes, c’est énorme, c’est 30 ans de photo. Je crois que je suis le seul photographe à être allé partout. Je vais également bientôt sortir un livre chez Filigranes, un clin d’œil – hommage à l’école de Dusseldörf. Le projet en attente c’est toutes les photos du Sahel dans les années 70. Puis un projet sur toute la Côte d’Azur. Je suis dedans maintenant. Plus ce que je fais avec les autres, qui m’intéresse beaucoup. Je rêve de faire chez Stéphane une expo de 3 photographes et 3 peintres que j’aime. Très souvent je fais des préfaces pour d’autres photographes. En fait si on me demandait ma philosophie de la photographie je dirais que j’aime la photographie des autres et pas que la mienne. C’est peut-être ça que m’a appris la photographie : l’amour des autres. J’ai la passion de la photo en général, je ne suis pas obnubilé que par la mienne. La photographie ouvre des portes sociales, philosophiques et humaines. C’est pour ça que j’aimais tant Edouard Boubat. Je ne l’ai jamais entendu faire la morale. Ses photos c’était la générosité même, l’amour du monde !
« Marseille Inédit », Bernard Plossu, Galerie Territoires Partagés, du 12 février au 3 avril 2021, dans le cadre du festival Photo Marseille.