William Guidarini La photographie comme une quête de soi
Depuis 10 ans William Guidarini développe, autour du Garage Photographie son camp de base, un programme d’actions axé sur la formation, l’accompagnement et la diffusion des photographes.
Propos recueillis par Christophe Asso
Quand votre histoire avec la photographie a-t-elle commencée ?
Elle a commencé au début des années 2000. J’étais un photographe amateur, autodidacte et à la mort de mon père, fin 2002, la photographie a agi comme un révélateur. J’étais à un tournant de ma vie, affectif et professionnel, et j’ai embrayé le pas de la photographie avec un premier projet qui m’a mis le pied à l’étrier. Un hommage à mon père. L’année qui a suivi sa mort j’ai sillonné Marseille, sa ville natale, sur ses traces, une sorte d’errance initiatique. Ce travail a donné lieu à une exposition en 2004 à la mairie des 13e et 14e arrondissements de Marseille. Peut-être ressortira-t-il un jour car c’est une vision de Marseille très différente de celle d’aujourd’hui, et parce que le regard que je peux porter sur ces images aura du sens un peu plus tard dans mon parcours.
Racontez-nous l’histoire du Garage Photographie
Au départ c’était un garage de carrosserie peinture, dans lequel mon père a travaillé durant 35 ans. En 2004 j’ai récupéré ce lieu qui est devenu mon atelier puis plus tard Le Garage Photographie. J’étais à un tournant de ma vie professionnelle. J’avais une expérience dans la gestion et le management sportif et culturel. En récupérant ce lieu j’ai souhaité me positionner comme un futur acteur de la photographie sur le territoire en développant un projet qui allie à la fois formation et résidence d’artistes. J’avais le désir de faire de la photographie le pilier de ma vie. Après 6 années à penser le projet et à aménager le lieu, le Garage Photographie a ouvert au public en 2010. Nous fêterons d’ailleurs les 10 ans du Garage l’année prochaine. J’aime le partage et l’idée de pouvoir transmettre. La photographie m’a tellement apporté à un moment difficile de ma vie que je la considère comme un formidable outil de développement personnel.
Comment faites-vous vivre le lieu ?
De plusieurs manières : j’y accueille des photographes en résidence, j’y organise des formations (parfois finalisées par une restitution collective) et je propose différentes rencontres conviviales tout au long de l’année. C’est également mon espace de travail et de vie. C’est un lieu chaleureux, au confins de la ville, dans lequel on se sent bien.
Pouvez-vous nous parler des artistes que vous avez accueillis en résidence ?
Didier Ben Loulou a été le premier à inaugurer le format initial de résidence, que j’ai souhaité dès le départ sur le long terme. 24 à 36 mois pendant lesquels le photographe va et vient à Marseille régulièrement, suivant ses envies, avec à la clé, une édition et une exposition. Je voulais plutôt accueillir des marathoniens que des sprinters, qui puissent prendre la mesure du territoire. Didier Ben Loulou s’est complètement fondu dans ce format, ensuite j’ai accueilli Klavdij Sluban et Margret Hoppe qui a achevé cette année sa résidence par une édition et une exposition, en partenariat avec le Goëthe-Institut Marseille. C’est maintenant Anne-Sophie Costenoble, photographe belge francophone qui prend la suite. Une rencontre est d’ailleurs prévue au Pangolin le 27 novembre. En parallèle des résidences j’ai accompagné 2 photographes émergents, Lionel Briot et Cécile Menendez, sur des projets d’édition et d’exposition, avec une équipe d’experts composée d’Arnaud Bizalion, éditeur, la Friche la Belle de Mai pour l’espace d’exposition et Laura Serani, commissaire d’exposition. Ce sont des personnes auxquelles je suis attaché, exigeantes et bienveillantes, et avec lesquelles je travaille pour mes projets d’auteur.
Comment s’organise votre activité de formateur ?
Il y a deux types de formations : les stages techniques et les Photo Masterclass. Pour les premiers je reçois des amateurs qui veulent savoir utiliser leur appareil et réussir leurs photos de famille et de vacances. J’essaie dans ces stages de toujours sensibiliser les participants au fait que la technique n’est pas une fin en soi, mais qu’elle peut être mise au service d’une expression personnelle. Pour les Photo Masterclass que j’anime toute l’année, je me considère comme un révélateur de l’intime de chacun. Avec exigence et bienveillance, je pousse mes stagiaires à aller chercher au fond d’eux-mêmes des choses qu’ils ont à exprimer. Ce peut être difficile de faire face à soi, parfois même douloureux, mais c’est pour moi la seule démarche qui permette de construire un regard sensible et engagé. Un regard d’auteur.
Comment avez-vous trouvé votre public ?
Sans avoir fait de business plan ni d’approche stratégique, je me suis fait confiance. En m’appuyant aussi d’une part sur le développement de mon travail personnel que j’ai toujours inscrit comme une base, et d’autre part sur Le Garage Photographie, qui a trouvé sa place dans le paysage photographique. Il y a des personnes qui me suivent depuis 10 ans et qui je pense, s’y retrouvent.
Quelques mots sur votre travail personnel ?
C’est une quête de soi, une poésie qui s’attache à l’intime, aux fissures, à l’identité. Mon premier projet réellement abouti a été Ceux qui restent (2015) une sorte d’errance en Europe de l’ouest au tournant du 21e siècle. Ensuite il y a eu Venise et ses îles (2019) À chaque fois ça a été des projets au long cours, sur 5 ans. Je développe depuis le début de l’année un nouveau projet, avec le sentiment d’ouvrir le troisième volet d’une trilogie d’une recherche de soi. Tout au long de mon parcours d’auteur, j’ai toujours utilisé le médium photographique pour faire vivre mes questionnements, mes obsessions, mes élans.
Votre nouvelle collaboration avec Le Pangolin ?
J’ai rencontré Michaël Serfaty et Edith Laplane il y a quelques années. Le Pangolin se positionnant comme un lieu pluriel autour de la photographie, je leur ai proposé en 2018 d’organiser un Photo Masterclass. Avec le succès rencontré on a poursuivi en 2019 et 2020, avec notamment le Non-Portrait Photo Masterclass. On s’est rendu compte qu’on partageait les mêmes valeurs d’exigence, de bienveillance, de convivialité et de partage. Cette année nous développons plusieurs types de collaborations, avec notamment la mise en place d’un nouveau dispositif Le petit club de la photographie d’auteur avec des photographes inscrits dans une démarche d’auteur, en recherche d’échanges pour se questionner, s’écouter et soumettre leur travail en cours à la critique bienveillante du groupe.
Votre actualité ?
A court terme c’est la formation, avec 3 Masterclass à venir : COVID 20 proposé dans le cadre de Photo Marseille 2020 du 23 au 25 octobre sur la crise sanitaire et la constitution d’une mémoire collective ; Venise Argentique du 20 au 23 novembre 2020 (complet), puis Le Récit avec Le Pangolin (29-30 janvier 2021).