Né en 1980 dans la Drôme, et après des études de Lettres Modernes, j’ai suivi à Nancy la formation du Centre Européen de Recherche et de Formation aux Arts Verriers (CERFAV) qui m’amènera à travailler quatre années durant à Londres au Surrey Institute of Art and Design University College. En 2006, j’entre à l’École Nationale Supérieure de la Photographie d’Arles (ENSP) d’où je sors diplômé en 2009, année à laquelle je participe à l’exposition Une attention particulière* pendant les Rencontres Internationales de la Photographie. Au cours de mes trois années d’études à Arles, je développe un travail personnel alliant photographie, sculpture et dessin. J’édite ma première publication dédiée à la série photographique Les voleurs, en 2011 avec les éditions Marguerite Waknine (Angoulême). Installé depuis 2009 à Marseille, résident des ateliers de la Ville de Marseille de 2014 à 2016, mes travaux photographiques ont été présentés aux ateliers de l’Image (2014), à La Compagnie (2011) mais également à Glassbox et au BAL (2012), à Kosice Capitale Européenne de la Culture en 2013, à L’Institut national des Beaux Arts de San Miguel de Allende au Mexique (2014), au Festival International du Livre de Photographie à Kassel (Allemagne, 2010) et plus récemment à l’Escaut (Bruxelles, 2016).
Ma pratique artistique tisse des liens entre les deux axes de mon parcours éducatif : la sculpture et la photographie. En amont de mon cursus de l’ENSP d’Arles, j’ai longtemps travaillé le verre comme matériau, à la fois utilitaire et sculptural. Je me suis d’abord intéressé aux vitraux et à la transformation de l’espace grâce à la transparence et à la couleur. Par la suite, formé à la technique de la pâte de verre -qui se rapproche de la fonte à la cire perdue pour le bronze avec les différentes techniques de moulage qui y sont liées-, j’ai mis en pratique ces savoir-faire auprès d’artistes en Angleterre et dans le domaine de l’éducation. Mon travail photographique oscille entre une pratique assez libre, “ légère “, et le questionnement du medium par lui-même. Loin d’un discours de l’art sur l’art, je privilégie les notions de “ déjà vu “ ou de “ cliché “ qui permettent une distance critique face au visible, nécessaire en photographie. Cette mise en question du medium utilisé passe souvent par des rapports dialectiques. La déconstruction et la destruction sont des notions importantes dans l’élaboration de mes œuvres. D’autre part, j’accorde une grande importance à la mise en forme de l’image photographique en exposition, non plus seulement un rectangle encadré mais plus comme un medium souple, flexible et adaptable à de nombreux supports. À l’instar du corps de l’adulte qui conserve en lui celui de l’enfant, j’aime jouer d’une attention particulière, dans mon travail, à la langue et au langage. Enfant, j’avais de nombreux “soucis” avec la langue écrite comme parlée (bégaiement entre autres). Petit à petit ces problèmes ont trouvé une autre forme et la langue m’est apparue comme un nouveau territoire de jeu et de sens. Les mots et leur pluralité signifiante sont bien souvent à la genèse de mes recherches et se font éléments indiciels dans la finalisation des travaux, à travers les titres que je leur destine.
« Gilles Pourtier a une conception ouverte de la photographie. Refusant de contraindre une pratique qui s’appuie sur des situations de résidences, d’expositions, d’éditions spécifiques ou de collaborations, il se plaît à tordre les formats pour produire des œuvres qui sont autant des images que des objets ou des installations. Aussi chaque projet est-il l’origine d’une nouvelle mise en recherche formelle. La collaboration est souvent au cœur de sa production, comme un espace de négociation qui permet à chacun de porter plus avant sa pratique, elle donne parfois lieu à des œuvres dans lesquelles la signature partagée indifférencie les photographies prises par l’un ou par l’autre. Mais qu’il remonte une rivière avec Anne-Claire Broc’h (Before science), qu’il parte à la rencontre de granges en train de s’affaisser avec Sandro Della Noce et Guillaume Gattier (They shoot horses, they don’t demolish barns), ou qu’il s’intéresse à la vie ouvrière en Slovaquie (Vztahy) Gilles Pourtier signe son travail d’un regard précis, empreint d’une forme d’humilité et de poésie.» Guillaume Mansart
« En 2006, après avoir été verrier durant plusieurs années, Gilles Pourtier décide de devenir artiste. Si la photographie devient alors son moyen d’expression principal, l’utilisation qu’il en fait ne s’inscrit pourtant ni dans une tendance pictorialiste ni dans la pratique indicielle de la photo conceptuelle. Sa démarche se situerait plutôt du côté de l’enquête photographique, dans une veine quasi ethnographique, à l’instar des séries Les voleurs (2010) et La ligne d’ombre (2013) réalisée sur les îles de Batz et Ouessant en collaboration avec Anne-Claire Broc’h. Son mode opératoire s’apparente, en effet, à un inventaire vernaculaire révélant les singularités qui se nichent derrière la banalité des espaces, des actes et des gestes du quotidien. À l’instar du constructivisme bancal associant une tablette murale et une prise électrique ou un radiateur encastré dans une cheminée (ces deux photographies appartiennent à la série Le Château, 2009), Gilles Pourtier fait émerger au fil des séries et des publications une sensibilité qui évacue simultanément l’objectivité indicielle et le pathos afin de saisir le quotidien sans toutefois se l’approprier. Aucune trace d’impérialisme du regard ne subsiste dans ses tirages puisque sa démarche, au contraire, consiste à révéler l’indétermination dissimulée par les apparences. En abandonnant le travail manuel du verrier, Gilles Pourtier a mis à distance le geste artistique du faiseur démiurge. Grâce au médium photographique, il laisse advenir la captation fragile du regardeur dont les moyens d’actions sont la curiosité et le cadrage.» Gallien Dejean