Michaël Duperrin vit et travaille à Marseille depuis 2017, où il a trouvé un port d’attache adéquat.
Il partage son temps entre sa pratique artistique, une activité journalistique pour le magazine Réponses Photo et des stages et workshops.
Expositions en France et à l’étranger dans des festivals (Fictions Documentaires, Rencontres Photographiques de Lorient, Chroniques Nomades, Photomed Quinzaine Photographique Nantaise, Promenades Photographiques de Vendôme, Photo de Mer, Rencontres photographiques du 10 ème MAP Toulouse, Ping Yao, Photo Fringe Pnohm Pehn des galeries Immix Imagineo Lab Artyfact Le Lac gelé et des lieux publics (Chapelle des Pénitents bleus de La Ciotat, MK 2 bibliothèque, Eglise Saint Merri, Maison des artistes de Téhéran…)
Livres : « Odysseus, l’Autre monde », éditions sun/sun, 2019, accompagné de textes de Thierry Fabre et Pierre Bergounioux. « En son absence », Séguier, 2010 postface Christian Caujolle. « Transports sans fin », autoédition, 2004.
Publications dans Paris Match, Le Monde Diplomatique, Les Inrockuptibles, Le Magazine Littéraire, Fisheye, Photo Nouvelle, Réponses Photos, France Photographies, Latences…)
Membre du Studio Hans Lucas depuis 2015
A la frontière de l’intime, de la fiction et du document, chacune de mes séries explore un aspect du monde, de la matière des images et de l’inconscient. Je procède selon une méthode d’enquête sauvage, faite d’allers et retours entre intuition et réflexion, et nourrie à diverses sources : histoire, anthropologie, philosophie, psychanalyse, arts, littérature, et surtout mes obsessions.
Enfant, j’étais fasciné par la photo d’un oncle mort avant ma naissance. Ni ma mère ni ma grand-mère n’en avaient bouclé le deuil. Je passais des heures, littéralement absorbé, à rêver devant ce portrait. Le seuil des Enfers a ainsi été le lieu de mon enfance. J’ai longtemps eu la conviction que, comme l’oncle, je ne sortirai pas vivant de la trentaine. Deux décennies et une dépression plus tard, je débutai conjointement la photographie et une analyse.
Orphée aux Enfers m’a indiqué une issue et fourni une fiction théorique. Le poète obtient de ramener Eurydice des Enfers, mais il transgresse l’interdit de la regarder avant qu’ils ne soient revenus au jour. A l’instant même où il la voit, elle redevient une ombre ; il essaye de la retenir, mais sa main se referme sur le vide. La photographie, pour moi, se joue sur ce seuil entre présence et absence, dans ce geste qui tente de se saisir ce qui s’efface pour mieux le laisser s’en aller. Elle ouvre à la dimension d’un temps stratigraphique où coexistent toutes les époques, qui est le temps a-chronologique de l’inconscient.
Ma pratique artistique est une tentative de donner forme à l’informe archaïque, de faire face aux fantômes, de fouiller les placards pour savoir de quels cadavres ils sont tapissés, et que ceux-ci tombent en poussière. Une tentative de produire une inscription sur un tombeau vide (Didi-Hubermann) ou « un lieu pour l’absence » (Fédida). De « plier le chaos » pour rendre le monde habitable (Deleuze).
Car c’est dans le monde qu’à lieu l’expérience, et qu’il s’agit de s’inscrire. La photographie n’est pas le réel, qui échappe dans sa complexité, bien que le référent paraisse adhérer à la photo (Barthes). Mon approche, résolument plastique et subjective, tente de documenter l’expérience du monde, et ainsi, peut-être, d’en saisir quelque chose. C’est la stratégie baroque : si l’accès au réel est toujours médié par des mots et des images porteurs d’illusion, il reste possible d’affirmer l’artifice, de jouer de l’illusion et de la fiction, et par là, d’accéder à quelque vérité.
Pour cela, la photographie – trop pleine de l’illusion de la présence – ne me suffit pas. Ainsi je recoure à la vidéo, à l’écrit, à l’installation, pour construire des dispositifs d’expérience articulant des matériaux, voix et points de vue multiples. Singulière, ma démarche s’inscrit dans une famille de « matérialistes spirituels » (Giacomelli, Pasolini, Godard, Opalka, Willaume, Bourcart, d’Agata, Abdessemed, Pernot…) qui ont en commun de pratiquer le montage, l’hybridation, et de parler à la fois du monde, du sujet et du medium.